Le Goncourt : "C'est un prix de la société civile, et ça, c'est quand même une belle victoire" estime Jean Viard

On saura demain qui va recevoir le prix Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires en France, un prix créé par testament par Edmond de Goncourt en 1892, qui récompense des auteurs d'expression française.
Article rédigé par franceinfo - Mathilde Romagnan
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Le rassemblement du jury du 'Goncourt' au restaurant Drouant pour la délibération du prix le 30 janvier 1950, à Paris. Avec de gauche à droite, Alexandre Arnoux, André Billy, Gérard Bauer, Philippe Hériat, Armand Salacrou, et attablés, Colette et Francis Carco. (KEYSTONE-FRANCE / GAMMA-RAPHO VIA GETTY IMAGES)

Le prix Goncourt, sera remis demain lundi 4 novembre à l'un des quatre auteurs finalistes en lice Sandrine Collette, Hélène Gaudy, Kamel Daoud et Gaël Faye. Pour l'écrivain ou l'écrivaine récompensée, c'est l'assurance de vendre 400.000 exemplaires de son livre. Une question de société qui revient chaque année et que l'on décrypte avec le sociologue Jean Viard.

franceinfo : Les enjeux financiers sont énormes pour les auteurs et pour les éditeurs ?

Jean Viard : Pour le monde du livre, c'est l'événement annuel qui met le livre au cœur du débat de société, c'est un peu comme les Jeux olympiques qui ont un effet énorme sur les petits clubs de village, il y a plein de jeunes qui vont s'inscrire, etc. Le livre devient le cœur du débat. On attend le Goncourt, il y a le Renaudot, etc. et je crois la défense du livre en France, la défense de cette culture de l'écrit, c'est son emblème, c'est son drapeau.

Et après, évidemment, c'est un événement énorme, pour l'auteur bien sûr, parce que celui qui a le prix Goncourt, il arrive à la cour du roi. Et puis il y a l'enjeu économique. Pour les maisons d'édition, c'est évidemment un atout. Longtemps, il y a eu un énorme combat Gallimard/Grasset. Gallimard est devenue "La reine" parce que Gallimard, c'est aussi Flammarion qui distribue Actes Sud, etc. Mais il y a plein de maisons qui ont eu le prix Goncourt : Actes Sud l'a eu plusieurs fois, L'Olivier, Le Seuil, les éditions Philippe Rey. Donc ça s'est démocratisé, ça montre cette extraordinaire diversité.

Si on parle des deux favoris, d'un côté, Kamel Daoud qui évoque les massacres de la décennie noire en Algérie, de l'autre, Gaël Faye qui parle de l'après génocide au Rwanda, ce sont deux livres qui feront forcément parler d'eux s'ils gagnent, ils sont très liés à l'histoire de la France ?

Oui, mais ça c'est magnifique, moi j'aime bien quand ce sont des livres où on apprend quelque chose. Or, la question algérienne et la question du Rwanda, c'est deux questions énormes qui ont été épouvantables, à côté de chez nous, la question du rapport de l'Europe, de la France et de l'Afrique. On l'a encore bien vu avec la visite du Président de la République au Maroc. Ce sont de vrais livres qui font réfléchir sur le monde, c'est ce qui m'intéresse le plus par rapport à des livres qui sont plus introspectifs.

C'est bien qu'il y ait un combat central entre ces deux livres, les deux sujets sont des sujets majeurs de notre époque, des sujets de respect des droits de l'homme, des sujets de réflexion sur le lien entre l'Europe et ces pays qui ont été d'anciennes colonies, toute la question du colonialisme en fait. Si c'est un des deux qui gagne, ça me ferait plaisir.

Dix jurés décident du vainqueur et le prix est décerné, selon la tradition, au restaurant Drouant à Paris, tradition qui dure depuis 110 ans. Tout ça, c'est un peu suranné ?

C'est le même débat qu'on avait eu sur le prix Nobel, ces grandes traditions qui viennent de la société civile, c'est comme le GIEC. Les grands lieux de puissance de notre époque souvent ne viennent pas des institutions, ils ont plus d'influence sur ce qu'on va lire, que l'Académie française, si je peux me permettre. Moi, je suis heureux que ce soit la société civile – des auteurs, des éditeurs – qui ait construit des drapeaux pour valoriser des auteurs. Ça doit rester ça, et que mine de rien, le système de cooptation des auteurs qui sont là, il me semble qu'on y a mis un peu d'ordre, c'est positif ; c'est un prix de la société civile et ça, c'est quand même une belle victoire.

Après, il y a des enjeux énormes, alors c'est très compliqué. Comment vous dites à un auteur ou à un membre du jury : écoute l'année prochaine, je te publie et je fais une grosse promotion sur ton livre ? Est-ce qu'il peut y avoir de l'influence ? Oui, toute société humaine connaît des rapports d'influence. Espérons qu'ils sont raisonnables, parce que l'idée qu'il n'y ait pas de rapports d'influence serait peut-être un peu exagérée.

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