"Le vélo, c'est un transport de notre temps, petit à petit, les villes vont s'y adapter", estime Jean Viard
Le Salon du vélo se termine ce dimanche soir au Parc Floral à Paris. Il a pour but de remettre les Français en selle et de faire redécouvrir le plaisir du deux-roues.
Les Français, notamment depuis la pandémie, se tournent de plus en plus vers la bicyclette, puisqu'un Français sur deux se dit désormais prêt à réaliser ses trajets quotidiens à vélo, s'il y a de bonnes infrastructures. On en parle avec Jean Viard, sociologue, directeur de recherche au CNRS.
franceinfo : Le vélo, est-ce que c'est vraiment un transport de notre temps, partout et pour tout le monde ?
Jean Viard : Je crois que c'est un transport de notre temps dans la ville, et que petit à petit, les villes vont s'y adapter. Après, il y a à peu près le tiers des gens qui sont à moins de cinq kilomètres de leur lieu de travail et donc, ils peuvent naturellement aller en bicyclette pour cinq kilomètres. Mais vous avez une différence culturelle parce que chez les ouvriers, à Montpellier, à Toulouse par exemple, il y a des écarts, les ouvriers, c'est 100% aller en vélo. Et les cadres, c'est 11%.
C'est dire que le vélo a une dimension de groupe social, y compris parce que les ouvriers, ils allaient encore en vélo il n'y a pas tellement longtemps parce qu'ils n'avaient pas de voiture . Le vélo, c'était l'objet de domicile/travail de ceux qui ne pouvaient pas se payer une bagnole. Petit à petit, évidemment, tout le monde a des voitures. Mais sur le fond, la ville est en train d'être prise en main par les réseaux de transport électriques et par les bicyclettes. Il y a une vraie transformation du phénomène urbain.
Après, c'est des problèmes d'équipements, bien sûr, de moyens de circuler, de sentiment de sécurité. Ça aussi, ça joue quand il y a vraiment de belles pistes cyclables, on voit bien dans les villes qui sont équipées comme ça, qu'il y a plus de dames qui font du vélo. Il y a des villes qui s'y prêtent moins bien. Regardez Marseille, c'est tout en pente et en plus c'est une ville-port, les rues sont toujours surchargées et elles ont été construites étroites. Donc du coup, c'est difficile de mettre des vélos et de faire des pistes cyclables. Et puis il y a des mairies qui n'ont pas encore compris que le vélo était un des moyens de diminuer la pollution en ville qui est un des grands problèmes. La France est mal placée pour la qualité de l'air.
En quoi la pandémie a changé la donne pour les habitants des villes ? On a l'impression qu'il y a quand même eu un avant et un après ?
D'abord, il y a pas mal de gens qui ont quitté la ville et le rêve de quitter la ville a énormément augmenté. Les gens ont envie de nature, ils ont envie d'espace, ils ont envie de patrimoine. D'un coup, ils se sont rendu compte qu'ils étaient enfermés chez eux et ils se sont dit : mais qu'est ce qu'on fait là ? Et il y en a qui se sont dit qu'est-ce qu'on est bien, et d'autres qui se sont dit ça ne va pas du tout. Il faut toujours se dire que 70% des Français vivent dans une maison avec jardin, dans un endroit qui du coup est loin de leur travail.
Et c'est cet immense périurbain qui est quand même le cœur de l'habitat français. Donc ça joue évidemment par rapport au vélo. Mais en même temps, il y a aussi le vélo plaisir. Regardez le Tour de France, c'est quand même l'événement annuel majeur qui symbolise la nation. Il y a vraiment un défilé de l'identité nationale avec le travail des hélicos qui visitent toutes les régions. C'est magnifique comme événement, comme rapport au travail, à la volonté, et à la beauté. Il y a tout ça dans le vélo.
Et puis le vélo électrique commence vraiment à changer la donne parce que, on pédale toujours. Mais l'effort est continu. Lui, petit à petit, va prendre la place avec une chose, le gros problème du vélo et surtout de l'électrique, c'est où je le gare ? Et si vous voulez, si vous habitez dans des immeubles en hauteur où souvent il y avait une pièce prévue pour un centre de tri quand on a fait ces immeubles et puis après, on a en a fait un parking des poussettes.
J'ai été élu local à Marseille. C'était compliqué. C'est : où est-ce qu'on sécurise les vélos alors qu'on a mis le tri là ou on avait prévu de mettre les poussettes ? Donc il y a un problème d'équipement, ça se vole énormément les vélos, évidemment, surtout les électriques qui valent plus cher. Donc il y a un vrai problème. Et je pense que dans les quartiers populaires notamment, l'espace du vélo dans le logement collectif est un vrai sujet.
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