Les 25 ans du PACS : "On est une société qui progresse en liberté, le rapport à l'institution a été séparé de nos vies intimes"
Le PACS a été créé il y a 25 ans, un projet politique porté par une femme, une ministre de la Justice, Elisabeth Guigou. Le pacte civil de solidarité était conçu à l'origine pour les couples homosexuels. Désormais, 95% des couples pacsés sont hétérosexuels, et il y a presque autant de PACS que de mariages en France. Décryptage avec le sociologue Jean Viard.
franceinfo : Le PACS, c'est la reconnaissance de tous les couples ?
Jean Viard : Alors, c'est une histoire en soi, parce qu'on a commencé le 29 novembre 1787, où ce n'est plus l'Eglise qui a fait des mariages, ce qui a permis aux protestants de se marier, avant, ils ne l'étaient pas. À la fin du XIXe, on a autorisé le divorce, un petit divorce, etc. Donc la question de la façon dont la loi gère les couples et les rapports homme/femme, change tout le temps.
Le PACS, c'est Elisabeth Guigou qui l'a fait, et c'était aussi Simone Veil qui avait fait la loi sur l'avortement. Ce sont souvent des femmes qui portent ce genre de réforme. Et donc le PACS aujourd'hui, n'est pas tout à fait celui du début, parce qu'on l'a élargi en matière fiscale, mais c'est très proche. Alors il y a à peu près autant de PACS que de mariages, un peu plus de mariages. Il y a à peu près 6000 mariages entre gens du même sexe. Le mariage pour tous a un peu modifié la donne du problème.
L'intérêt du PACS, c'est que si vous êtes d'accord pour vous séparer, vous envoyez une lettre recommandée là où vous avez été pacsés, et c'est fini. Et si vous n’êtes pas d'accord, il y en a un qui demande mais il n'y a pas de procès, la séparation est un droit. Ce qui coûte cher dans le mariage, c'est le divorce. Souvent, le mariage est la suite du PACS, parce que d'à peu près le quart des pacsés vont se marier plus tard, ce sont des étapes successives dans la construction d'une vie. Mais au fond, ça renvoie à quoi ?
Ça renvoie au fait qu'on ne s'engage plus pour la vie. Mais c'est vrai au travail, c'est vrai dans les lieux qu'on habite, c'est vrai dans les engagements politiques, on est une société de court terme dans des vies de plus en plus longues, et donc on vit par séquences et on peut s'aimer beaucoup, mais on ne sait pas si on va s'aimer toute la vie, alors qu'avant c'était un engagement, on s'engageait même si l'amour, la solidarité financière, sexuelle étaient perdus, et donc on n'est plus là-dedans, on s'engage à court terme. Et le PACS correspond tout à fait à ça.
À l'époque de son adoption en 1999, les débats avaient duré plus d'un an à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, ça paraît presque une évidence. Le PACS, c'est la preuve que la société a beaucoup évolué en un quart de siècle ?
Oui, et en même temps, la société a peu confiance dans ses politiques. Regardez le débat sur le mariage pour tous, sur le PACS, le débat sur l'avortement, regardez autour de chez nous, on n’a pas vu des manifestations avec des millions de Belges à Bruxelles. Donc il y a aussi une société qui a beaucoup de mal à changer ses règles, qui est très conservatrice en première instance. Et puis quand c'est fait, tout le monde se dit, mais au fond, c'est très bien. Donc les politiques qui proposent n'entraînent pas forcément l'adhésion parce qu'on est un pays de défiance vis-à-vis de la classe politique, sans doute plus fortement qu'ailleurs.
Le couple a beaucoup évolué aussi, et avec lui la famille, un papa, une maman, ce n'est plus la seule norme. Il y a aussi les familles recomposées, monoparentales, les familles avec deux papas ou deux mamans. La société change et les lois doivent s'adapter finalement ?
Mais bien sûr, le chiffre le plus frappant, c'est que 63% des bébés naissent hors mariage. On est d'ailleurs très différents des autres pays européens sur cette question. Il y a une montée des enfants hors mariage partout. Il y avait 6% des enfants hors mariage en 1968. Ça veut dire que le rapport à l'institution a été séparé de nos vies intimes.
On n'a plus envie depuis 1968 que l'Etat s'intéresse à ce qui se passe sous la couette, et donc il y a séparation. Alors le PACS, c'est une extraordinaire liberté. On est une société qui progresse en liberté. On peut citer l'avortement, le PACS et les droits sociaux quand on perd son boulot, donc on augmente sans arrêt la liberté des individus, et ce n'est pas un hasard si c'est une ministre de la Justice qui avait porté le projet.
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