Baisse de la natalité en France : "La société doit se demander comment articuler le désir d'enfants, le travail, et une vie de couple discontinue", dit le sociologue Jean Viard
Le président de la République s'inquiète de la fertilité des Français, qui n'ont jamais fait aussi peu d'enfants depuis la Seconde Guerre mondiale. En parallèle, une "marche pour la vie" a été organisée à Paris par les anti-avortement. Le regard sur ces questions du sociologue Jean Viard.
franceinfo : Les Français veulent-ils toujours des enfants ?
Jean Viard : Il y a un premier sujet, en effet : l'infertilité ; un vrai problème que l'Etat a raison de vouloir prendre en compte. On a longtemps pensé que c'était un problème de femmes, or on commence à comprendre que non, l'homme ou la femme peuvent être concernés. Mais est-ce la raison pour laquelle la natalité recule ? Sans doute pas. En vérité, on a davantage besoin de bras pour payer les retraites, pour gagner la bataille climatique, etc.
Il y a trois façons d'avoir des bras supplémentaires : l'augmentation de l'espérance de vie, à peu près pour un tiers ; l'immigration, à peu près pour un tiers ; la natalité, à peu près pour un tiers. Nous sommes en train de bloquer sur l'immigration, ce qui est à mon avis, en termes économiques, assez absurde. Et nous avons un problème pour que les gens continuent à travailler au-delà de 55 ans. L’accélération de la natalité, incluant la question de l'infertilité, n'est donc qu'une partie de la réponse.
Je comprends la réaction des féministes, parce qu’on est une société qui s'est bâtie sur le bonheur et sur la liberté de l'individu à choisir sa vie. Avoir un enfant, ou pas ? Si oui, la société est-elle accueillante à son égard ? Aura-t-il une place en crèche ? Il faut savoir que la moitié des enfants sont gardés dans les familles.
Il convient donc de se questionner plutôt sur la politique familiale que sur la politique nataliste ?
Bien sûr, la France n'est pas très bonne pour préparer l'accueil de l'enfant. Il y a plus de bébés qui meurent chez nous qu'autour de nous. Ensuite, dans son parcours de vie, on lui met tellement de barrières : l'examen du BPC, Parcoursup, etc. On dirait qu'être jeune, c'est une course d'obstacles. Ce discours-là ne produit pas des bébés. Les jeunes aujourd'hui n'ont pas envie de casser leur carrière et la société doit se demander comment articuler le désir d'enfants, le travail, et une vie de couple discontinue.
Des jeunes ne veulent pas d'enfants aussi pour protéger la planète. Est-ce qu'il y a une forme de conflit de générations sur ce sujet ?
La jeunesse vit dans un autre monde, elle a envie de donner du sens à sa vie et du sens à son mode de vie, du sens à son travail. Mais il existe un âge dont on ne s'occupe pas bien : entre 16 et 26 ans, l'âge des expérimentations d'une société complexe. Nous n'avons pas de politique de la jeunesse, il manque cette idée que tous les jeunes ont droit à faire des études, à s'arrêter, à reprendre, à travailler, à se séparer, à se mettre ensemble, etc. Il faut penser cet âge jeune pour donner un désir de société, un désir de futur. Et là, je suis désolé, ce n'est pas le cas.
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