Changement climatique et aménagement des territoires : "On n'est pas plus forts que la nature qu'on a nous-même déréglée", estime Jean Viard

Les inondations vont-elles changer notre façon de penser les villes, c'est la question de société décryptée aujourd'hui par le sociologue Jean Viard.
Article rédigé par franceinfo - Mathilde Romagnan - Jean Viard
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Temps de lecture : 3min
18 octobre 2024. Le village de Saint-Romain-en-Gier, dans le département du Rhône, au lendemain des inondations. Un transformateur enlevé de son emplacement à cause de la force de l'eau. (FREDERIC CHAMBERT / MAXPPP)

Ces deux dernières semaines, plusieurs départements ont été placés en vigilance rouge pour risques d'inondations. Des pluies diluviennes sont tombées, parfois l'équivalent d'un mois de précipitations en quelques heures, entraînant des débordements de fleuves ou de rivières. Le sociologue Jean Viard porte son regard sur ces phénomènes.

franceinfo : Ces phénomènes climatiques vont se produire de plus en plus souvent. Va-t-il falloir organiser les villes autrement pour sauver des populations ?

Jean Viard : Pas seulement les villes, les campagnes aussi ! Prenez ce qui se passe dans le Gard, où il y a ces fameux épisodes méditerranéens. L'eau arrive de la mer, souvent la nuit, jusqu'au Mont Aigoual, sur 50 à 60 kilomètres, et elle est bloquée par les montagnes. Les gens sont donc complètement noyés. Avant, cela se produisait quelques fois par siècle, désormais c'est plusieurs fois par an.

Le deuxième élément, c'est la manière dont on aménage le territoire. Près de Marseille, des méandres ont été imposés dans toutes les rivières, des arbustes plantés au bord, etc. Ainsi l'eau coule moins vite, et la situation est très différente.

Jusqu'à présent, on a construit le territoire comme si l'homme avait tous les pouvoirs. Or nous sommes entrés dans une ère où c'est la nature qui dirige, et ça, il faut se le mettre dans la tête ! On n'est pas plus forts que la nature qu'on a nous-même déréglée.

Comment peut-on s'adapter ?

Dans nos comportements de tous les jours : en prenant moins la voiture, en modifiant nos modes de vie et nos technologies. Ensuite, il convient de repenser l'aménagement : goudronner les cours d'école, mettre des arbres, planter des talus, dégager les rivières pour qu'elles aient des bordures. Ce sont des enjeux passionnants, mais dangereux aussi, car il y a des victimes, des gens qui ont peur, d'autres qui perdent leur maison.

Déjà, pour protéger les populations, ne faut-il pas interdire toute construction en zone inondable ?

C'est déjà interdit. Le problème est de savoir si cette l'interdiction est toujours bien respectée ? Et puis il y a surtout qu'on a construit des maisons depuis la guerre, là où c'est maintenant inondé. Je connais un village où depuis un lotissement, on voit le pont par-dessous. Quand on est sous un pont, j'ai tendance à penser que c'était, avant, des zones de jardin, mais pas un lieu pour mettre des maisons.

Des permis de construire ont été délivrés et, au fond, ceux qui habitent là se disent qu'ils ont une autorisation de l'administration de l'Etat et de la commune. En cas de pépin, qui doit payer. Les assurances ? Les collectivités locales ? Les habitants ?

Les cours d'eau sont quand même utiles, pour la pêche ou pour le transport fluvial. Il faudrait s'en éloigner ?

Non, il ne faut pas non plus exagérer. Les villes se sont construites à proximité des rivières pour trois raisons : on circulait mieux sur l'eau dans les temps les plus reculés, cela donnait des terres arables alentour pour se nourrir, et cela facilitait le commerce. Donc il ne faut pas enlever les villes.

D'ailleurs, souvent dans les inondations, la partie la plus ancienne du village n'est pas la plus inondée. Regardez en Provence, la plupart des villages sont en hauteur. Ils sont descendus dans la plaine au XIXᵉ ou au XXᵉ siècle. Face au désir des Français d'avoir des maisons avec jardin, il va falloir articuler tous ces changements.

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