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Question de société. Jean Viard : "L'idée de ce pass sanitaire, c'est loin d'être absurde, on en a besoin pour vivre"

Et si on évoquait avec le sociologue Jean Viard, la sortie de crise...

Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Illustration d'un possible pass sanitaire.  (ANTOINE WDO / HANS LUCAS / AFP)

Le retour des jours "heureux", la sortie de crise, les plus optimistes y pensent déjà. On nous promet donc que la vaccination s'accélère. En particulier ce week end, que quelques semaines d'incertitude, des semaines décisives nous attendent, mais qu'après, il y a le bout du tunnel...

franceinfo : Jean Viard, comment selon vous, le pays doit il se préparer à l'après ?

Oui, on vit des stop and go depuis quasiment un an. On avait besoin qu'on nous donne un horizon. Peut-être que dans six semaines, on nous dira encore deux semaines. Ce n'est pas pour rien qu'on a inventé le paradis, ou le mythe révolutionnaire... On a besoin d'un futur, c'est indispensable, sinon on se replie sur soi-même, on se referme. Après, ce qui est compliqué, c'est qu'on n'est pas tous dans la même situation. Il y a 40% des Français qui ont une grande inquiétude pour leur emploi. Le bout du tunnel, ça veut dire aussi fin des aides aux entreprises, fin du chômage partiel. On voit ce qui se passe au théâtre de l'Odéon avec les artistes qui se mobilisent pour la culture. Ça a un côté un peu dérisoire par rapport à 68, ça a un côté un peu défenseur d'intérêts particuliers. 1968, c'était le temps d'un rêve révolutionnaire, donc c'était quand même très différent.

Il y a des tas de Français, vous savez, il y a un million et demi de gens ce qui leur plaît, c'est de retourner à la pêche. Un autre million, c'est d'aller à la chasse. Donc il y a des tas de façons de vivre son temps, et de s'en sortir. Il ne faut pas avoir un seul modèle dans la tête. Mais ce qui compte, c'est qu'au fond, on a vécu un traumatisme. On va continuer à le vivre parce qu'on ne sait pas trop. Le traumatisme de l'angoisse du chômage est toujours là, le traumatisme de l'inquiétude des attentats est toujours là. On ne va pas "sortir" de la crise, on va sortir changé. On a beaucoup réfléchi. 10% des Français disent qu'ils veulent changer leur vie, privée, professionnelle, géographique, etc. Il y a des milliers de gens qui sont en train de déménager, des dizaines de milliers, par exemple. La société est en plein mouvement. Il me semble qu'il faut donner de l'espoir autant que possible. Serrer la file des vaccins, évidemment. Et en même temps, être attentif aux nouvelles attentes des gens.

Vous voyez, on a basculé dans un monde numérique. On a basculé dans un monde qui sera dominé par la question du réchauffement climatique. On l'a tous compris avec ce virus, donc comment le monde politique va savoir saisir la vague pour nous ouvrir un chemin ? S'ils ne savent pas le faire, ça va être tendu et violent. 

Et un des outils possibles pour la réouverture, pour desserrer les contraintes, c'est ce pass sanitaire au niveau européen, au niveau français, on voit que ça entre en vigueur en Israël notamment. Quels sont les enjeux pour notre pays, d'après vous ? 

À cet égard, c'est d'abord un enjeu européen parce que les pays du Sud qui accueillent massivement les touristes, notamment la Grèce, dont c'est la base du modèle économique qui, en plus, n'ont quasiment plus de malades. C'est eux qui ont lancé l'idée, vu que les Grecs ne sont pas trop malades, ils n'ont pas envie de recevoir des malades. Donc, c'est d'abord les pays d'accueil touristique qui ont commencé à se battre sur cette idée. Le premier accord, c'est entre Israël et la Grèce, pour les Israéliens qui veulent changer d'air, c'est la Grèce. C'est ça qui va se construire. C'est comment on gère les flux de population. D'abord pour l'été.

Mais il y a aussi aller dans un restaurant, au spectacle. Le problème, c'est un problème de droit démocratique, parce que tant qu'on ne peut pas se faire vacciner tant qu'on veut, on ne peut pas mettre un pass sanitaire. Le pass sanitaire, il accompagne le fait que ce soit le tour de tout le monde. D'ailleurs, c'est un pass sanitaire, ce n'est pas que le vaccin. Ça permet aussi d'avoir un test. En Autriche, par exemple, on vous donne cinq autotests par semaine.  Alors effectivement, vous pouvez vous autotester pour aller au restaurant, voir votre grand mère, etc. Si on a cet outil dans la poche, ceux qui ne seront pas vaccinés, faudra qu'ils montrent qu'ils se sont autotestés. 

La suite, c'est un peu ouvert. C'est normal qu'en sortie de pandémie, on ne sait pas s'il y aura encore des nouveaux variants, on n'est pas sûr de que tous nos vaccins seront tous valables, surtout qu'il faudra de nouveaux rappels. L'idée de ce pass, c'est loin d'être absurde. Et en plus, le monde du lien social, que ça soit la restauration, les bars, le tourisme, les loisirs, la culture, le monde du lien social, il en a besoin pour survivre. Et nous, on en a besoin pour vivre. 

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