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Question de société. Jean Viard : "Noël, la grande fête des enfants, un symbole de vie en cette période de tragédie"

"Question de société", comme tous les dimanches, avec le sociologue Jean Viard, s'intéresse aujourd'hui à ce Noël pas comme les autres, avec les gestes barrières et les repas de familles réduits à six personnes, selon les conseils du gouvernement.

Article rédigé par franceinfo
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Une crèche de Noël, à Strasbourg pour un Noël dont on se souviendra longtemps, mais qui reste la fête des enfants.  (JEAN-MARC LOOS / MAXPPP)

À la fin d'une année pas comme les autres, on va vivre un Noël pas comme les autres : pas trop de monde à table, pas plus de six personnes, conseille le gouvernement et des gestes barrières. Et puis, dans la foulée, pour la nuit de la Saint-Sylvestre, le 31 décembre, c'est non, pas de fiesta pour passer la nouvelle année. Entretien avec le sociologue Jean Viard. 

franceinfo : Faut-il comprendre que Noël est une fête à part ?

Jean Viard : D'abord, c'est un Noël dont on va se souvenir. Dans 10 ans, le Noël 2020, on s'en rappellera alors que Noël 2019 ou 21, on l'aura oublié. Donc, on va faire un Noël qui va nous marquer, y compris parce qu'évidemment, il est différent. Le problème de Noël, c'est que, bien sûr, c'est une fête religieuse au départ, mais après, petit à petit, notamment après le concile de Vatican II, c'est devenu beaucoup la fête des enfants. Moi, je me rappelle encore que quand j'étais jeune, le soir de Noël, on jeûnait jusqu'à la messe de minuit. C'était une soirée de restrictions. D'ailleurs, les cadeaux n'arrivaient que le lendemain matin. Ça arrive dans certaines familles encore.

Et puis après effectivement, en 1981, on a obtenu la cinquième semaine de congés payés, et au fond, tout naturellement, on l'a mise entre Noël et le Jour de l'An, parce qu'on avait déjà, depuis 1936, arrêté la société du 1er au 15 août, et au fond, là, il y a un deuxième arrêt, entre Noël et Jour de l'An. Puis après, il y a les ponts de printemps qui sont le moment où on a envie d'aller voir les fleurs dans les champs. Donc c'est trois arrêts, et depuis, il y a une semaine de vacances. Sauf évidemment pour les professionnels du secteur qui malheureusement, en ce moment, ne sont pas là. Donc c'est ça qu'il faut dire : on a une semaine, et donc on gère les vacances de Noël.

Dans les vacances de Noël, il y a évidemment Noël, le moment de la famille, des cadeaux, etc. et puis, en perspective, on a le réveillon, j'allais dire plus festif, plus léger, etc. D'ailleurs, très souvent, dans les familles, on dit aux adolescents : bon d'accord tu as le déjeuner avec Papi, Mamie, ça  va pas être très, très drôle, mais tu sais quand même, c'est gentil de venir. Et puis, le soir du réveillon du Nouvel An, on te laisse la maison pour faire la fête. Et du coup, cette année, on coupe la deuxième partie de la branche, si on peut dire, ça va être un Noël, notamment pour les adolescents, ils ont déjà eu une année difficile, ça ne va pas être très drôle. 

Ce Noël cette année, on l'a compris, n'est pas vraiment comme les autres mais est-ce que ça peut laisser des traces à plus long terme? Est ce qu'on pourrait s'en inspirer ?

C'est difficile de répondre à cette question. Moi, je pense qu'il y aura une forme de restriction. D'abord parce qu'on est évidemment moins nombreux, mais en même temps, Noël, c'est une fête à la fois familiale, heureuse et obligatoire. Et donc, comme toutes les fêtes obligatoires, on ne les aime qu'à moitié. Et puis, il ne faut jamais oublier que dans ce pays, il y a quand même 10 millions de gens qui vivent tout seuls. Et puis, il y a 10 millions de pauvres pour qui Noël, ce n'est pas vraiment une fête de la consommation.

Alors, en quoi tout cela va modifier nos rapports ? Est-ce que demain, au fond, une certaine frugalité, une certaine restriction va redevenir à la mode, comme c'était le cas au fond dans l'après guerre, au moment des Trente Glorieuses ? C'est difficile à dire, mais ça nous fait réfléchir quand même sur le sens de cette fête. Et puis, comme on a de moins en moins d'enfants maintenant - on est à peu près en dessous de deux enfants par femme - l'enfant a plus de valeur, et au fond, il est mis au sommet parce qu'il est rare. Ça aussi, ça joue. Donc, peut-être qu'on peut se dire aussi qu'on verra combien y aura de naissances après cette pandémie. Ça va se passer après Noël.

C'est une fête qui s'est largement sécularisée, bien sûr, mais la dimension religieuse reste importante pour beaucoup de Français ? 

Dans la réalité, la messe de minuit a souvent été avancée à 22 heures parce que on n'a pas envie de se coucher trop tard. Pour beaucoup de gens, Noël, c'est devenu la fête des enfants, et la dimension religieuse est moins forte. Il se peut qu'il y ait aussi des gens qui ne le fassent pas, parce que pour eux, ça reste une fête catholique. Donc voilà, c'est de plus en plus la grande fête des enfants, et ça au fond, c'est juste un symbole de vie en cette période de tragédie qui est quand même très agréable.

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