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"Un roi, c'est un totem collectif" estime le sociologue Jean Viard

Le couronnement de Charles III, à Londres, nous ramène à notre rapport à la monarchie. A-t-on, en France, encore un intérêt pour toute forme de royauté ? L'époque des stars est révolue, mais certains monarques passionnent toujours les foules.
Article rédigé par franceinfo - Jean Viard
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Publié Mis à jour
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La couronne royale d'Angleterre, que va désormais porter le nouveau roi Charles III. (MAXPPP)

Notre Question de société de ce samedi est forcément liée à l'actualité chez nos voisins britanniques : le couronnement de Charles. Il reste une quarantaine de souverains dans le monde, de quoi alimenter la réflexion du sociologue Jean Viard.

franceinfo: Que représentent ces rois et reines dans nos sociétés ?

Jean Viard : Pas forcément la même chose partout, mais ce qui est sûr, c'est qu'en Angleterre, il y a une fonction très particulière pour le souverain, parce qu'il reçoit le Premier ministre britannique chaque semaine, ce qui ne se fait pas dans la monarchie belge, par exemple. Le nouveau roi est donc très en dialogue avec le pouvoir. Sinon, c'est un totem collectif. Je pense que chaque société a besoin d'avoir un totem. Elle a un territoire avec des frontières, elle a souvent une langue, parfois plusieurs, et donc un totem qui symbolise son unité. Rappelons-nous le rôle du roi d'Espagne au moment de la tentative de coup d'État, celui du roi des Belges dans l'affrontement entre Flamands et Wallons

L'Allemagne et l'Italie ont, de même, des présidents qui sont des forces symboliques et qui distribuent quelques valeurs de temps en temps, qui peuvent rappeller à l'ordre leur gouvernement. En France, on a un modèle très particulier parce qu'on a un président qui en même temps exerce le pouvoir. 

La France n'est plus dirigée par un roi depuis 1870. Pourtant, il y a une forme de fascination chez nous pour les rois et les reines. Comment l'expliquer ?

Je pense que d'une part on a une nostalgie de la monarchie et d'autre part les rois et les reines appartiennent au royaume des... stars ! Certains ont été des figures magnifiques. Regardez la princesse de Monaco, c'était une star. Les stars, à une certaine époque, on s'intéressait à leur corps, à leurs amours, à leurs propriétés. Mais aujourd'hui, le cinéma a beaucoup changé et les très grandes stars des années 50 jusqu'à celles de la fin du XXᵉ siècle n'existent plus. Le culte qu'on avait pour Brigitte Bardot ou pour d'autres a disparu. Il y a désormais tellement de chaînes de télé que la communication n'est plus aussi centralisée. Les stars sont différentes, et cela vaut aussi pour les rois qui sont, au fond, des personnages dans un coin du paysage sans la même importance que jadis.

En même temps, on est aujourd'hui dans une sorte de rejet des plus riches, pointés du doigt pour leurs excès environnementaux et leur déconnection aux réalités du quotidien ?

Ce n'est pas tout à fait pareil, parce que la plupart des plus riches aujourd'hui sont des gens qui se sont enrichis eux-mêmes. Ce ne sont plus des héritiers, et lorsqu'il en reste, certains sont lamentables. Ce qui n'est pas le cas en Angleterre, parce que l'héritage y est essentiellement foncier, avec des châteaux et parce que ce sont des gens qui passent leur temps à faire le bien. Ils vont voir la veuve et l'orphelin, ils se battent pour des causes écologiques. Ils ont un rapport à la société qui est en lien avec l'empathie et la souffrance, ce qui est a priori quelque chose de plutôt sympathique, et qui fait qu'on les apprécie toujours.

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