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Regard sur l'info. Le Covid ou le sacre de la santé

Comme chaque dimanche, dans "Regard sur l'Info", le décryptage d'un penseur sur notre actualité. Aujourd'hui, le Covid replacé dans le temps long de l'Histoire.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le globe terrestre en trois dimensions, décoré comme un coronavirus. Pour la première fois dans l'Histoire, la santé a prévalu sur l'activité économique mondiale. (Illustration) (DOWELL / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

L’amélioration de la santé humaine est une anomalie à l’échelle de l’évolution explique Jean-David Zeitoun dans La Grande Extension, Histoire de la santé humaine, un essai à paraître le 5 mai chez Denöel. En l'espace de deux siècles notre longévité a doublé. La crise sanitaire a mis au premier plan mondial la santé des citoyens de notre planète, et en particulier celle des plus âgés. C'est une première dans l'histoire de l'humanité. 

franceinfo : Qu’est-ce que le Covid dit de notre rapport à notre santé ? 

Jean-David Zeitoun : Le Covid nous dit d’abord que c’est une infection émergente et qu’on sait que depuis les années 1950-1960, il y en a plus. En général, ce sont des virus. Et on sait aussi que depuis le début du XXIe siècle, on a eu quatre pandémies, dont le Covid. Et donc, on a une accélération du rythme des pandémies par rapport aux 500 années précédentes. 

Vous faites une histoire de la santé et non de la médecine, quelle différence ? 

La santé n’est déterminée que minoritairement par la médecine. Selon les estimations, la médecine détermine entre 5 et 20% de la santé. Les autres déterminants sont dans l’environnement, dans le comportement, et dans notre biologie intime qui est la seule chose qu’on ne maîtrise pas du tout. La médecine n’est responsable que d’une partie de notre santé, et que d’une partie de notre espérance de vie, même si depuis la deuxième moitié du XXe siècle, c’est surtout grâce à la médecine et à la pharmacie que la santé s’est améliorée, et que l'espérance de vie est passée de 65 ans à plus de 80 ans.  

Le progrès de la santé humaine a commencé à peu près au milieu du XVIIIe siècle, c’est difficile à dater. La santé a toujours intéressé. Elle a plus ou moins été une priorité. Ce qui est à peu près sûr, c’est que c’est la première fois qu’on sacrifie à ce point toute l’activité humaine et économique pour préserver la santé, un peu de la santé, parce que le Covid est très transmissible, mais en pourcentage de mortalité c’est beaucoup moins mortel que d’autres pandémies. 

Dans votre livre, vous dites que c’est quelque chose de nouveau historiquement que de tout faire pour protéger les plus âgés, alors que par le passé, on les laissait partir... 

C’est, je crois, la première fois que la société fait ce choix. La plupart des sociétés l’ont fait, partout on a imposé des confinements.  Alors, la particularité du Covid, c’est que c’est une maladie atrocement discriminante sur l’âge. C’est la première fois qu’on a une maladie qui cible autant les seniors.  

C’est vrai que la grippe espagnole à laquelle on a beaucoup fait référence, touchait beaucoup de jeunes hommes, à la fin, et au lendemain de la Première Guerre mondiale… 

Oui c’est inédit. C’est la seule fois où on a vu un virus frapper essentiellement les jeunes hommes de 20 à 40 ans. 

Alors, vous ne voulez pas vous faire prophète, mais pensez-vous que la crise du Covid qui en appellera peut-être d’autres, changera notre rapport à la santé, mais à une santé plus large ? Vous montrez le paradoxe qui consiste à tout faire pour nous sauver du Covid tout en tuant plus de monde avec par exemple la pollution… Allons-nous entrer dans l’ère de la "toute-santé" ? 

Ce que je pense, c’est que la pandémie a suscité une réponse mondiale qui la dépasse. On pense par exemple aux plans de relance qui ont une forme de dimension environnementale.  

Ce n'est pas la première fois. Au XIXe siècle, le choléra ne tuait pas beaucoup, mais ça faisait très peur et il a déclenché le mouvement sanitaire à Londres, le nettoyage de la ville, alors que la tuberculose tuait beaucoup plus, mais ça ne faisait pas très peur. Peut-être que c’est ce qui va se passer avec le Covid quand on voit les plans de relance qui s’attachent beaucoup au climat, alors que la pandémie n’a pas grand-chose à voir avec le climat. La réaction face au Covid est de vouloir se protéger face à tous les risques, et pas seulement les infections émergentes.  

Peut-être qu’on s’est trompé de référence. À évoquer sans cesse la grippe espagnole ou les pestes du passé, on a raté le choléra… 

Oui. La grippe espagnole n’a pas changé le monde. Le choléra si, en amenant la désinfection de l’environnement des humains. 

On retiendra que c’est moins la mortalité que la peur qui peut entraîner des changements profonds à l’issue d’une pandémie. Votre livre, Jean-David Zeitoun, paraît cette semaine, le 5 mai, chez Denoël : La Grande Extension, Histoire de la santé humaine. 

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