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Si j'étais... Jean-Baptiste Le Moyne de Martigny

Karl Zéro s'est imaginé dans la peau de Jean-Baptiste Le Moyne de Martigny, le maire de la plus petite commune de France, Rochefourchat (Drôme).

Article rédigé par franceinfo - Karl Zéro
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le village de Rochefourchat (Drôme). (JEFF PACHOUD / AFP)

Si j’étais Jean-Baptiste Le Moyne de Martigny, je serais le maire de la plus petite commune de France, Rochefourchat, dans la Drôme provençale, qui a pour particularité de n’avoir qu’un seul habitant. Moi.

C’est pour cela que j’en suis le maire, et le plus heureux des hommes. Jusqu’à ce week-end, en tous cas, où les forces du mal se sont déchaînées, les démons de l’Apocalypse conduisant jusqu’à mon petit havre de paix une farandole de candidats assoiffé de parrainages.

Une ombre vociférante en tailleur Chanel

Il n’était pas 6 heures, samedi, qu’un cri atroce déchira l’air si paisible de nos montagnes, me tirant hors du lit, hagard, épouvanté, en pyjama. Un appel inhumain, un beuglement de bête traquée, qui me glaça jusqu’à l’os. Un ours en rut, peut-être ? Ou quelque Bête du Gévaudan, égarée par chez nous ?Je me saisis de mon vieux fusil de chasse, mis mes mules et, tout tremblotant, me met à scruter la pénombre à travers les persiennes. Je distingue alors une ombre vociférante en tailleur Chanel, coiffé d’une sorte de furieux balais Bissell jaune, s’agitant près du poulailler ! Vision dantesque. C’est… Non ! Michèle Alliot-Marie ! Vision absurde, effrayante ! Je crois défaillir ! "Monsieur le maire ! C’est moi ! MAM ! La voix du gaullisme social ! Ouvrez-moi ! Faîtes un geste ! Je n’ai que 38 signatures à ce jour ! Signez, mon bon prince, et je défiscaliserais les heures supplémentaires !"

Un coup de chevrotine tiré en l’air suffit à faire déguerpir cette créature des ténèbres. A la nuit, sans rendez-vous, réveiller les braves gens, on n’a pas idée… Faut-il qu’elle soit en peine, la malheureuse !

Incapable de retrouver le sommeil après cette apparition gaulliste, j’entrepris de me faire du café. C’est alors qu’un type, déguisé en nain de jardin, entra. Bonnet rouge, collants mauves, et un étonnant gilet bavarois. L’œil rond, la démarche très assurée, il entre, et sans un mot, s’asseoit face à moi et se met à boire… mon café ! Pétrifié, j’en lâche mon fusil. Il englouti une dizaine de tartines, rote bruyamment, allume un joint puis me dit : "Vous, vous êtes un 'faiseux', pas un de ces 'diseux' de politicards. Moi, Alexandre Jardin, je vais redonner la parole aux 'vrais gens'. Vous, vous êtes un 'vrai gens', alors vous signez pour moi, ça me fera une 65e signature, et je vous rends la parole ! Marché conclu ?"Je lui fis remarquer qu’en tant que maire de Rochefourchat, la parole, je l’avais déjà, et que dès lors, je ne voyais pas l’intérêt de lui donner ma signature. Il disparu aussitôt, emportant ma cafetière et quelques bouteilles de vieil Armagnac.

Le dernier vrai vert vivant

J’allais rejoindre mon cabinet d’avocat en ville – c’est mon vrai métier, maire de la plus petite commune de France, ça ne nourrit pas son homme – lorsque, stupeur, un géant chauve barre la route de ma 4L ! "Vous me reconnaissez ? Roulez moi dessus si vous voulez, je ne bougerai pas tant que je n’aurais pas obtenu votre signature !" Je descends pour parlementer avec ce fou. Je ne comprends rien, il me dit qu’il a égaré sa perruque dans le train en venant, qu’il est Antoine Wechter, le dernier vrai vert vivant, et qu’il n’a récolté à ce jour que quatre signatures, alors qu’il ne lui reste que jusqu’au 17 mars pour les 496 autres.

Je lui fais : "C’est mort, Antoine". Il me dit : "Tu crois ? Mais alors, que vais-je devenir ?", et se met à pleurer. Je le console tant bien que mal, je le serre bien fort dans mes bras, et là, un klaxon strident dans la cour… me réveille ! Ouf ! je préfère ça, tout cela n’était qu’un cauchemar… Je descends voir : "Bonjour je suis Charlotte Marchandise, votre candidate de la société civile désignée par le vote citoyen sur LaPrimaire.org et j’ai besoin de voter signature !"

Là, j’ai compris que je n’avais pas rêvé.

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