Si j'étais... le père Jacques Hamel
L'église où le père Jacques Hamel a été assassiné, à Saint-Etienne-du-Rouvray, a rouvert ses portes dimanche 2 octobre. Karl Zéro s'est mis dans la peau du père Hamel.
Si j’étais le Père Jacques Hamel, je serais aux anges. Au sens propre, bien sûr, comme au sens figuré. J’ai appris, dimanche 2 octobre, de la propre bouche d’un très gentil pensionnaire du paradis, un vieux monsieur asiatique un peu gros, avec des énormes lobes d’oreilles, que le pape François avait décidé de raccourcir le délai de ma béatification. M. Bouddha – c’est ainsi qu’il s’est présenté à moi – m’a expliqué que normalement, chez nous, la procédure de canonisation dure cinq ans à compter de la date de la mort, mais que là j’allais avoir droit à un coupe-fil VIP : dans deux ans, c’est bon, il m’a dit.
Déjà que j’étais heureux, il parait que je vais être bienheureux ! Que demande le peuple ? C’est pas rien, quand j’y pense. Seuls Jean-Paul II et mère Teresa ont bénéficié à ce jour d’une telle dispense. Teresa est même venue me taquiner à cause de ça: "Alors, Hamel, on brûle les étapes ? On espère avoir plus vite ses deux rations de gâteau de riz ?" Car ici, le quotidien des saints est amélioré. Mais bon, je n’ai pas la grosse tête pour autant. Déjà, se vanter, c’est pas trop le genre de la maison. Et puis des saints, j’en croise tous les jours, des milliers, c’est le RER à l’heure de pointe, y’a que ça. Ça aide à rester très modeste.
Si j’étais le Père Jacques Hamel, il y a deux mois, j’aurais été égorgé en pleine messe par deux malheureux idiots qui croyaient faire "acte de foi" en m’exécutant. Je leur ai pardonné, évidemment, à Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean. J’ai même parlé d’eux avec le prophète Mahommet, qui est bien entendu avec nous, ici. Il a levé les yeux aux ciel, et il m’a dit : "Pardonnez-leur, mon père, car ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient ! ". Je lui fait remarquer que c’était une citation de Jésus, il m’a dit : "Vous savez, Jésus… il ne disait pas que des conneries !" et il a éclaté de rire. Là, Jésus est arrivé, le sourcil froncé, et il lui a dit : "Alors, Prophète, toujours le mot pour rire, à ce que je vois ?" Ils discutent beaucoup tous les deux en ce moment, ils ne sont pas du tout contents de la tournure que ça prend en bas.
Dieu, ça lui est égal
Si j’étais le père Jacques Hamel, je serais ravi qu’hier ils aient rouvert ma paroisse. D’autant qu’il y avait bien plus de monde que d’habitude. Quand je suis mort, on était quand même que six dans l’église pour la messe, hier ils étaient très nombreux, KTO retransmettait l’office et il y avait tant de journalistes que ça débordait même sur le parvis. Pour vous dire, de mon vivant, je n’avais pas vu souvent ça. A la Libération, peut-être.
J’espère que ça va continuer. Pas qu’on va continuer à tuer mes collègues pour remplir les églises, non, mais que les gens vont retourner à l’église. En fait, la réalité que je touche du doigt depuis que je suis ici, c’est qu’en bas, la plupart des gens sont vraiment persuadés qu’on n’existe pas. Même moi, sur Terre, parfois, j’ai douté. Faut dire aussi que d’ici, ce n’est pas évident de donner des preuves de vie. Mais s’ils savaient ce qui les attend après la mort, je pense qu’ils fréquenteraient plus souvent les églises, les mosquées, ou les synagogues. Ah oui, parce que j’ai oublié de vous dire : Dieu, la façon dont on le prie, ça lui est égal, du moment qu’on le prie.
Si j’étais le père Jacques Hamel, je vous dirais pour conclure que ce qui m’a le plus surpris ici c’est le côté "libertaire" de Dieu. En fait, on peut très bien se passer de prier, on a parfaitement le droit d’être athée, et de ne pas croire en lui, du moment qu’on se comporte convenablement sur terre. Qu’on le prie ou pas, le résultat est le même, vu qu’à la fin, il récupère tout le monde.
Allez, à bientôt, c’est pas tout ça mais moi j’ai du boulot, on a plein de migrants qui viennent encore d’arriver.
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