La France de l'emprunt
Indépendamment des propositions de Madame Linemann, la question est de savoir si on peut aujourd'hui, dans l'absolu, relancer l'idée d'un grand emprunt. D'abord, un grand emprunt pour quoi faire ? Pour que les Français – vous et moi – puissions ''racheter'' notre propre dette, ou pour investir dans des projets créateurs d'emplois ? En réalité, il s'agit de deux cas bien différents. Dans le premier, le but est de proposer aux Français d'acheter des obligations d'Etat, autrement dit de la dette... c'est ce qu'ont fait Antoine Pinay en 1952, Giscard d'Estaing en 73, Raymond Barre en 77 ou Edouard Balladur en 93. Dans le second cas il s'agit, non pas de recourir aux Français, mais d'emprunter sur les marchés financiers, ce qu'a fait Nicolas Sarkozy en 2010 à hauteur de 22 milliards d'euros.
Vu notre niveau d'endettement, on imagine mal Paris lancer un nouvel emprunt sur les marchés pour relancer l'économie. En revanche, pourrait-on renouveler l'expérience d'un emprunt du genre Pinay ou Barre ?
Cela semble bien difficile. L'effet psychologique que l'on attend généralement d'un emprunt populaire est aujourd'hui compromis. Comment obtenir un sursaut national dans le contexte de défiance politique que nous traversons ?!! Ensuite, emprunter auprès des Français reviendrait finalement plus cher à l'Etat. Le Trésor n'a pas encore de boutique avec pignon sur rue pour faire seul le travail. Il faudrait mobiliser l'ensemble de la filière financière (banques, agences diverses), qui prendraient des commissions d'interventions. Enfin, ce genre d'emprunt nécessiterait de rembourser sur du long terme coûteux. Or, aujourd'hui, Paris emprunte sur les marchés à des taux très avantageux sur le court et moyen terme. Avant de relancer l'économie par l'alourdissement de la facture, ne vaudrait-il pas mieux commencer par alléger le fardeau fiscal qui pèse sur les entreprises ? Il y a un pays au monde où la dette est entièrement détenue par son peuple : le Japon. Une dette qui dépasse 200% du PIB mais détenue uniquement par les ''résidents'' et pas les investisseurs étrangers.
On dit pourtant que la France est un pays riche en épargne ?
180 milliards d'euros ! C'est ce qui est mis de côté par les Français. Une somme qui, effectivement, pourrait être utilisée sans pénaliser le rendement pour les épargnants. C'est ce que propose l'économiste Karine Berger, par ailleurs députée socialiste... mieux orienter les sommes placées dans l'assurance vie vers le réinvestissement. Si le principe est bien expliqué, il n'y a pas de raison que les Français y soient hostiles... en quelque sorte un emprunt des temps modernes.
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