"Anora" de Sean Baker et "Juré n°2" de Clint Eastwood à l’affiche cette semaine, et Marc Trévidic pour son polar "Huitième section"
À une semaine des élections américaines sortent les films Juré n°2 de Clint Eastwood, et Anora de Sean Baker (Palme d’or au Festival de Cannes 2024), qui dépeignent chacun à leur manière une Amérique qui leur est propre. Éric Libiot, auteur de Eastwood et moi (JC Lattès), parle de Juré n°2 comme d’"un film absolument magnifique, d'un classicisme terrible". Rappelant que les élections américaines approchent à grand pas, il voit cette sortie "comme une réponse à Trump et à sa façon de voir le monde".
Dans son film, le réalisateur représente les rouages de la justice américaine, et défend une vision libertarienne de la société, estime Éric Libiot. "[Clint Eastwood] est un libertarien, c'est-à-dire que c'est un homme (…) qui a l'idée que le collectif est une somme d'individualités". Ce qui n’empêche pas le cinéaste de se positionner contre l’idéologie conservatrice et trumpiste, de défendre l’importance de la justice dans les valeurs américaines, et de rendre hommage à celle-ci.
"On se rend compte que Clint Eastwood tient à des valeurs, […] il met en balance le bien et le légal, le juste et la vérité. C'est à l'image de ce qu'il a fait toute sa vie, il creuse la complexité humaine."
Éric Libiotfranceinfo
Cette vision de la nature humaine et de la société se retrouve à travers les différents protagonistes qui se succèdent au cours des différents films du réalisateur, où la figure du héros libertarien s’incarne au fur et à mesure des films de manière de plus en plus nuancée, explique Éric Libiot. "À partir de ses 40-50 ans, Eastwood s'est mis à se dire ‘Peut-être que c'est plus complexe, peut-être qu'il faut douter (…)’. [À partir de là], il a décidé de raconter des histoires où il fallait essayer de décrypter le monde. Et je pense que [Juré n°2] est exactement à l'aune de sa grande filmographie."
L’autre sortie de la semaine qui nous vient des États-Unis, c’est la Palme d’or 2024, Anora de Sean Baker, qu’Éric Libiot considère par ailleurs être "une grande Palme d’or". Ce dernier n’hésite pas à faire des parallèles avec le film de Clint Eastwood, les deux films étant le récit "de personnages qui sont un peu ailleurs, qui essaient de suivre leur chemin", et qui semblent ne pas vouloir entrer dans le moule définit par la société.
Sean Baker, c’est aussi la résurgence du cinéma indépendant américain, qui peine de plus en plus à voir le jour ces dernières années, étant donné le coût de plus en plus élevé nécessaire à la réalisation des films aux États-Unis. Recevoir la Palme d’or est donc une consécration pour le réalisateur âgé de 53 ans.
Juré n°2 de Clint Eastwood, et Anora de Sean Baker, à retrouver à partir du mercredi 30 octobre 2024 au cinéma.
Le polar inspiré des débuts de carrière de Marc Trévidic
Dans son nouveau roman Huitième section, Marc Trévidic se remémore le jeune homme "révolté" qu’il était dans les années 1990, quand la 8e section du parquet de Paris existait encore et qu'il en faisait partie. À travers le personnage de Lucien Autret, qui semble incarner son double, l'auteur nous emmène dans cette section qui regroupe toute la misère de Paris, et qui traite notamment les cadavres dont personne ne semble se soucier. C’est à cette indifférence que l’auteur s’oppose, défendant le fait que "chacun soit, même mort, traité de la même façon", exprimant la volonté de mettre en place ce qu'il appelle une "égalité post-mortem". En effet, il explique que "les services spécialisés brigade criminelle (…) ont plutôt tendance à s'intéresser aux corps ‘nobles’". Ainsi, écrire permet à Marc Trévidic de rendre public ce genre de traitement, mais aussi de se remémorer ce temps passé dans cette section du parquet de Paris.
"[Ecrire ce livre] m'a permis de revenir sur l'homme que j'étais avant, c'est-à-dire de retrouver mon état d'esprit révolté de l'époque."
Marc Trévidicfranceinfo
Le magistrat dit tout de même avoir "relativisé" avec l’âge, ce qui n’est "pas si mal", admet-il. Toutefois, cela ne l’empêche pas de pointer les dysfonctionnements de la justice française et la dégradation du service public, tout en insistant sur l’attachement qu’il porte à son métier. Malgré "des moyens complètement catastrophiques", selon lui, "il y a aussi l'intérêt du travail (…), qui est toujours hyper intéressant". Celui qui est maintenant président de Cour d’assises parle d’un "vrai service public", qu’il affirme trouver très "valorisant".
Huitième section (collection Série Noire de Gallimard) de Marc Trévidic, désormais disponible en librairie.
Une émission avec la participation de Thierry Fiorile, journaliste au service culture de franceinfo, et de Gilbert Chevalier, présentateur du podcast "À livre ouvert" sur franceinfo.
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