Au Cambodge, un procès révélateur de l'autoritarisme en Asie du Sud-Est
Le principal opposant cambodgien va comparaître devant la justice pour "conspiration".
Son nom ne vous dit sans doute rien. Kem Sokha a 66 ans et c’est une sorte de "dernier des Mohicans" : le dernier opposant qui ose encore s’exprimer au Cambodge, ce pays de 16 millions d’habitants tenu d’une main de fer par le Premier ministre Hun Sen. Mercredi 14 janvier, à 8h30 heure de Phnom Penh (la capitale), Kem Sokha va entrer dans le box. Il est accusé de "conspiration avec les Etats-Unis" contre le pouvoir cambodgien. En fait, l’affaire dure depuis plus de deux ans. Sokha a d’abord été arrêté en septembre 2017 et jeté en prison, dans le Nord du pays. Il y est resté un an, sans aucune explication. En septembre 2018, il a été relâché mais assigné à résidence et interdit de toute activité politique. Pour Amnesty International, ce procès est une pantalonnade, les charges sont bidons. Mais le pouvoir ne veut prendre aucun risque : demain, l’accès à la salle d’audience sera strictement limité, et des mesures de sécurité ont été prises dans toute la capitale. Le procès peut durer trois mois, et Sokha risque jusqu’à 30 ans de prison.
35 ans au pouvoir
Le Cambodge est dirigé depuis 35 ans par le même homme, Hun Sen. Il a aujourd’hui 67 ans. Il a d’abord fait partie du mouvement khmer rouge, avant de trahir les Khmers pour mieux s’emparer du pouvoir. Il mélange libéralisme économique et autocratie politique: contestation interdite. Le principal opposant, Sam Rainsy, a fui le pays et s’est réfugié en France. Reste donc Sokha, qui dérange le pouvoir, parce que c’est un opposant de longue date, défenseur des droits de l’homme, fondateur de deux partis successifs. Le dernier en date s’appelle le Parti du sauvetage national du Cambodge. Plusieurs de ses partisans ont d’ailleurs été arrêtés ces dernières semaines. Sokha bénéficie d’une certaine crédibilité en Occident : l’Union européenne surveille ce procès de près et menace le Cambodge de sanctions économiques.
Une même évolution au Viet Nam, en Birmanie, aux Philippines
Et cette évolution est donc révélatrice de ce qui se passe dans toute cette zone de l’Asie du Sud-Est ! C’est une région dont on parle assez peu, ici en Europe, sauf pour l’évoquer comme destination de voyage. Et cette zone de 600 millions d’habitants (10 fois la France) évolue de façon flagrante vers ce type de régime, un mélange de libéralisme économique et d’autoritarisme politique. Les seules exceptions sont l’Indonésie et la Malaisie. Pour le reste, ça ne plaisante pas. En Thaïlande, les militaires tiennent le pouvoir et répriment l’opposition. En Birmanie, c’est la même chose, malgré la présence au gouvernement de la prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi : la presse est muselée, les minorités sont opprimées. Au Viet Nam, la croissance économique est forte mais le parti dit communiste, détient tous les leviers. C’est le seul parti autorisé. Et aux Philippines, Rodrigo Duterte exerce le pouvoir de façon centralisée et violente, avec des méthodes expéditives. Donc ce procès au Cambodge est très révélateur : en Asie du Sud Est, s’opposer au pouvoir relève de la mission impossible.
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