Au Salvador, le président en jean et perfecto bouscule l'échiquier politique
Dans ce pays d'Amérique centrale, Nayib Bukélé élargit encore son influence politique. Un profil hors du commun, mais au bilan controversé.
Au Salvador, un homme original bouleverse tout l’échiquier politique : Nayib Bukélé était déjà président, le voilà désormais avec les pleins pouvoirs après un raz-de-marée aux législatives. Cet homme est un ovni. Tout sauf un politicien classique.
Ce qui frappe d’abord, c’est son look : il est toujours en jean et en blouson parfois même en perfecto (en blouson de cuir), une casquette de baseball à l’envers vissée sur la tête, des lunettes de rappeur et des chaussettes multicolores. Son parcours est tout aussi détonnant : il a 39 ans et c’est le fils d’un émigré palestinien (c’est assez improbable dans ce petit pays de 6,5 millions d’habitants d'Amérique centrale). Il a d’abord été vendeur de motos, puis il s’est lancé en politique, avec un slogan simple : "Que devuelvan lo robado", c'est-à-dire : "Qu’ils rendent l’argent volé".
"Ni droite ni gauche"
Le principe de sa politique, c'est le "dégagisme" vis-à-vis des deux partis qui contrôlent le pays depuis 30 ans, le FMLN (ex-guérilla marxiste) et l’Arena (enfant des milices d’extrême droite). Deux partis que tout oppose idéologiquement, mais qui se sont rejoints depuis trois décennies pour gouverner par la corruption, de nombreux anciens dirigeants sont soit emprisonnés, soit en cavale. Il y a deux ans, ce "dégagisme" a permis à Bukele de devenir président. Il se décrit lui-même comme "le chef d'État le plus cool du monde".
Mais l’Assemblée restait jusqu’à présent aux mains des partis traditionnels. C’en est désormais terminé : les résultats officiels des législatives de dimanche 28 février ont livré leur verdict : 65 députés sur 84 pour le nouveau parti de Bukele, Nuevas ideas (Idées nouvelles), un séisme électoral.
Un bilan positif... mais une tendance à l'autoritarisme
Mais au bout de deux ans, le bilan de Bukele est controversé. À son crédit figurent deux réussites majeures. Il est d’abord parvenu à faire baisser la criminalité, qui est le mal numéro un dans le pays. En deux ans, la présence policière s’est fortement accrue, et le nombre d’homicides, même s’il reste très élevé, a été diminué par deux. Au regard de la population, peu importe si cela est passé, comme l’écrit la presse salvadorienne, par un deal avec les gangs, les terribles Maras. L’autre réussite, c’est la lutte contre le coronavirus. Bukele a pris des mesures radicales : confinement strict, y compris dans des camps insalubres, et aide financière pour les plus démunis, avec distribution de paniers alimentaires. Le pays compte seulement 1 800 morts, ce qui est peu, même rapporté à la population. Résultat : Bukele affiche un taux de popularité de 75%.
Mais la médaille a son revers : c’est l’autoritarisme, la dérive populiste et tyrannique. Bukele, c’est un peu un "mini Trump", qui aurait réussi. Son outil de gouvernance préféré, c’est Twitter, comme l’ancien président américain. On lui prête l’intention de vouloir désormais nommer les juges de la Cour suprême, le procureur général, le défenseur des droits, et aussi, grâce à sa nouvelle majorité à l’Assemblée, de réformer la constitution pour rester au pouvoir. L’an dernier, il n’avait pas hésité à entrer dans le Parlement avec des hommes en arme pour essayer de faire voter un projet de loi. Et il a déjà commencé à nommer des amis ou des membres de sa famille aux postes clés. Le "président le plus cool du monde" n’est pas si cool que ça.
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