Cet article date de plus d'un an.

Au Venezuela, une vaste opération anti-corruption soupçonnée de dissimuler un règlement de comptes politique

Depuis plusieurs jours, ce pays d'Amérique du Sud dirigé par le très controversé Nicols Maduro vit au rythme d’une série d'arrestations dans les milieux pétroliers dont on se demande si elle ne cache pas une forme de purge politique.
Article rédigé par franceinfo, Jean-Marc Four
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le procureur général du Venezuela Tarek William Saab lors d'une conférence de presse à Caracas le 25 mars 2023 (YURI CORTEZ / AFP)

Les premières arrestations ont commencé le 17 mars et elles se sont accélérées ces derniers jours. 51 personnes sont désormais derrière les barreaux, et toutes sont liées aux grandes industries du pays. Le tout est savamment mis en scène par le pouvoir : interruption spéciale des programmes à la télévision nationale, images des suspects arrêtés dans la nuit , puis tous contraints de revêtir une combinaison orange qui rappelle celle des anciens prisonniers de la base américaine de Guantanamo.

Rien n’est laissé au hasard. Et le procureur général Tarek William Saab emploie les grands mots : "Le Venezuela est aujourd’hui un exemple pour le monde entier dans la lutte implacable contre le terrible fléau de la corruption, ce fléau de la corruption est né avec la civilisation. La civilisation est née, la corruption avec !" Le procureur promet de nouvelles arrestations dans les prochains jours et le président vénézuélien Nicolas Maduro renchérit : "Allons jusqu’au bout !"

Les milieux du pétrole dans le collimateur

 

Parmi les personnes arrêtées figurent des élus : un maire, un député, des juges. Et surtout des dirigeants d’entreprise : Antonio Perez, vice-président du conglomérat pétrolier national, Petroleos de Venezuela, Pedro Maldonado, président de l’entreprise d’exploitation des minerais (l’or, les diamants, la bauxite), Nestor Astudillo, le directeur de l’entreprise publique de sidérurgie.

Les enquêtes visent particulièrement les milieux du pétrole, soupçonnés d’avoir spéculé sur une cryptomonnaie pour contourner les sanctions américaines. Le ministre du pétrole Tarek Al Aissami a dû démissionner, le procureur se refuse à dire s’il sera lui aussi inculpé.

Le pétrole, c’est la principale ressource du Venezuela : ce pays de 28 millions d’habitants possède les plus grandes réserves au monde avec celles de l’Arabie saoudite. Mais sous l’effet des sanctions américaines et d’une gestion incompétente, la production a chuté. Le pouvoir cherche à la relancer.

Luttes de factions et opération de communication

 

Le soupçon de purge politique est réel parce que le Venezuela de Maduro est coutumier du fait. Les enquêtes pour corruption sont régulières depuis six ans : 31 au total. Des centaines de personnes ont été arrêtées au fil des ans. Et le profil des inculpés laisse penser qu’il y a là une façon pour le pouvoir d’écarter des rivaux. Par exemple, le ministre démissionnaire du pétrole est en conflit avec le président du Parlement. Cela sent la lutte de factions et le règlement de comptes avec les anciens proches du prédécesseur de Nicolas Maduro, Hugo Chavez.

Le pouvoir évidemment se défend de toute purge politique : "Depuis quand le vol est-il une idéologie ?" s’insurge le procureur général. En tout cas, il y a, a minima, une grosse opération de communication à l’œuvre dans un pays considéré comme l’un des plus corrompus au monde, classé 177e sur 180 dans l’indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.