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Coupe du monde de rugby : le style particulier des équipes latino-américaines, et le désir d'être "reconnues"

Pour la première fois dans l’histoire de la Coupe du monde de rugby, trois équipes sud-américaines sont parvenues à se qualifier. Dans le sillage des "Pumas" d’Argentine, l’Uruguay s'est bien défendu contre la France jeudi 14 septembre et le Chili jouera son deuxième match samedi.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
France-Uruguay, le 14 septembre 2023 (FRANCK FIFE / AFP)

En Amérique latine aussi, c'est la toute-puissante Royal Navy du XIXe siècle qui a introduit le rugby. Au Chili, le premier match documenté a été organisé par des marins britanniques dans le port d’Iquique en 1894. Mais les colons britanniques n’ont pas fini le boulot avec le ballon ovale, disent aujourd’hui les passionnés de rugby sud-américains : à peine 30 000 licenciés au Chili, deux fois moins en Uruguay (mais trois fois plus en Argentine).

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Par rapport au sacro-saint football, le rugby reste là-bas un sport de niche, longtemps réservé aux fils de bonnes familles, pratiqué dans les universités et qui voit dans cette Coupe du monde une opportunité en or pour convertir de nouveaux adeptes. La grande première des Chiliens, dimanche 10 septembre, a été retransmise pour la première fois sur une chaîne nationale payante

La "Garra", ce don de soi fait de bravoure

L'atout maître de ces équipes est la Garra. Dans le rugby latino, la Garra, c’est le don de soi, cette capacité à aller de l’avant, quel que soit le scénario du match, y compris dans les temps faibles. À l’origine, le mot désigne la patte au cuir épais et aux griffes acérées de l’iguane, animal que l’on trouve à peu près partout en Amérique latine. Et cet état d’esprit, les Chiliens en ont fait preuve, en marquant le premier essai de cette Coupe face au Japon. Même chose pour les Uruguayens contre la France jeudi soir.

Chaque équipe sud-américaine à sa propre définition de la Garra. Les Argentins l’expérimentent depuis la toute première Coupe du monde, en 1987. Ils n’ont jamais depuis manqué une seule édition et sont longtemps restés les bêtes noires des Français, par exemple lors de leur coup d’éclat au stade de France pendant la Coupe du monde 2007. Les Pumas argentins sont d’ailleurs les locomotives du Súper Rugby Américas, qui réunit les meilleures franchises du continent. Cette petite équipe latino est parvenue à s’imposer entre les deux hémisphères du rugby mondial.

L'ombre de Che Guevara

Son succès est aussi peut-être dû au parcours d’un jeune souffreteux de 14 ans, devenu légende révolutionnaire : Ernesto Guevara. Le Che, fondateur en 1951 de la revue Tackle ("plaquage"), fut joueur universitaire sous la direction d'un entraîneur irlandais à San Isidro, qui se souvient : "J’ai entraîné Ernesto Guevara pendant trois ans. Il avait un problème de respiration, c’était de l’asthme et j’ai dû le mettre à l’aile, sur le bord de la touche, pour qu’il soit plus près de ses médicaments. Il adorait jouer au rugby, il avait du talent, il était agressif, il plaquait très fort."

Il y a peut-être quelque chose de révolutionnaire dans ce rugby latino. Augustín Pichot, ancien capitaine argentin et ancien vice-président de la fédération internationale, disait du Che : "Je vois un lien entre son amour du rugby et le nôtre, entre son désir de changer le monde et notre désir d’être reconnus."

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