Coupe de Monde de rugby 2007 : ces petits riens qui font tout rater
Tout commence par une initiative ratée. Une idée incongrue de Bernard Laporte, l’entraîneur de l'équipe de France de rugby. Clément Poitrenaud, le plus jeune joueur, lit devant ses partenaires la lettre de Guy Mocquet. Celle que ce jeune résistant adresse à sa mère juste avant son exécution en 1941.
Les plus sensibles pleurent, la majorité des joueurs s’interroge, le 2e ligne Jérôme Thion notamment : "On s’est tous regardés en se demandant ce que ça venait faire là. On ne savait pas trop quoi en penser. "
La France accueille une Coupe du Monde, moins de 10 ans après le succès des footballeurs. Le match d’ouverture a justement lieu au Stade de France. Petit à petit, la tension monte dans le groupe tricolore, en particulier quand le bus les emmène vers Saint-Denis. "Des motards, des supporters, des cameramen sur des motos… C’était vraiment surprenant", se souvient Jérôme Thion.
De "La belle vie" au cauchemar
Les Français s’installent dans leur vestiaire, un vestiaire qu’ils connaissent bien. Cédric Heymans débute la rencontre à l’arrière. Il se prépare comme à chaque fois. "J’ai l’habitude d’écouter de la musique avant la rencontre. Cette fois-là, je m’en rappelle parfaitement, j’écoute "La belle vie" de Sacha Distel. C’est vous dire à quel point j’étais zen. J’étais heureux. Je savais que j’allais démarrer le match d’ouverture de la Coupe du Monde. J’étais bien physiquement. Je savais ce que les entraîneurs et le manager attendaient de moi. Je me rappelle d’être assis dans le vestiaire, avec un ballon entre les jambes, le sourire aux lèvres. C’était ma façon de me préserver de toute cette pression. "
Mais la pression finit par le rattraper, lui et tous les autres. A quel moment exactement, impossible de le dire. Aucun ne saurait l’identifier clairement. Mais lorsque retentit la Marseillaise, tout a changé. "Il n’y a qu’à voir la couleur de nos visages pendant les hymnes," se désole Heymans. "On est plus blancs que les hauts de survêtement que l’on portait. On est transparents même. Ca nous a pris tout d’un coup, ça nous a sauté au visage. Quand le coup d’envoi arrive, c’est chaud. On sent une chape de plomb sur nos épaules. "
Heymans : "Je suis méconnaissable"
Le match est un cauchemar. Des rugbymen Argentins accrocheurs, des français maladroits, dépassés, effrayés et un Bernard Laporte impuissant. Ce stress, il ne l’a pas vu venir : "Ils sont mieux placés que moi pour en parler, mais c’est vrai que je n’avais pas ressenti tout ça. On avait eu beaucoup de pression, on a essayé de l’évacuer mais, elle y était, la preuve. "
La pression, la défaite, une première manquée pour l'équipe de France de rugby. Cette nuit-là, Cédric Heymans ne trouve pas le sommeil. "Trois heures du matin, je ne dors toujours pas. On est rentrés à Marcoussis. Je suis devant l’ordi, je regarde et ce que j’aurais pu faire, surtout ce que je n’avais pas fait. Je me revois devant cet ordi en train de me dire "Mais c’est pas toi ! T’as pas le sourire aux lèvres, t’es renfermé". Je suis méconnaissable. "
C’est finalement au Pays de Galles cette année là que les Français réussiront leur Coupe du Monde de rugby, en battant la Nouvelle-Zélande en quart de finale. En France, ils perdront la demi-finale et le match pour la 3e place. Jouer à domicile n’a clairement pas été un avantage.
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Mardi 4 août | 1999 : les détails qui expliquent la victoire surprise face aux All Blacks
Mercredi 5 août | Coupe de Monde de rugby 2007 : ces petits riens qui font tout rater
Jeudi 6 août | 1995 : une demi-finale apocalyptique pour l'équipe de France
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