En Asie, le clonage numérique permet aux influenceurs de vendre leurs produits 24 heures sur 24

Les influenceurs asiatiques utilisent l'intelligence artificielle pour générer des clones numériques et assurer des directs en continu. Leurs revenus explosent, mais l'IA pose également des problèmes éthiques.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
En Asie, les influenceurs utilisent des clones numériques pour diffuser leur émission 24 heures sur 24 et multiplier leur revenus. Photo d'illustration (MIKKELWILLIAM / E+ / GETTY IMAGES)

L’intelligence artificielle offre aux influenceurs des revenus sans limite ! En Asie, les stars d’Instagram, de Tik Tok ou Weibo, se font remplacer par leur clone numérique. Leur petite entreprise ne s’arrête jamais de tourner. Ils peuvent diffuser des directs en ligne 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et leurs revenus explosent. Une pratique, de plus en plus répandue, qui a provoqué l’ire d’une grande partie des neuf millions de fans de Chen Yiru sur Instagram. En septembre dernier, cet influenceur taïwanais s’est lancé dans un direct en ligne non-stop de 15 heures. Des heures de "livestream" à manger des pattes de poulet, pour faire la promotion d’une marque locale.

Une performance jugée époustouflante par ses admirateurs, jusqu’à ce que certains découvrent, en petits caractères tout en haut de l’écran, la mention : "Pour besoin d’affichage uniquement, pas une personne réelle". Le challenge surhumain de Chen Yiru était entièrement faux et l’influenceur a trompé son auditoire. Et ce dernier point pose de vrais problèmes d’éthique. Le marché du commerce en ligne en Asie est un secteur totalement dérégulé et en pleine expansion.

Des cabinets d’études ont évalué à 700 millions de personnes la taille du marché des directs en ligne - en gros la version actuelle du téléshopping. C’est un marché gigantesque en Chine, qui représente 10% du commerce sur internet. Plus de la moitié des jeunes Chinois expriment le souhait de devenir un jour influenceur et les écoles de formation affichent complet. L’arrivée de l’Intelligence Artificielle change complètement la donne : l’utilisation de clones numériques (comme celui de Chen Yiru) permet une présence non-stop qui contribue à doper les ventes et donc les revenus. Et l’IA pose donc ce premier problème : celui de la pratique commerciale trompeuse.

Le clone numérique est en train de remplacer l’humain

Le cofondateur de Lang Jue Technologie, start-up spécialisée dans la création d’influenceurs virtuels, Song Jiatao, a très vite vu son chiffre d’affaires s’envoler. "L’an dernier, nous faisions encore appel à des influenceurs humains pour vendre des vêtements en ligne. Mais les gens n’étaient pas fiables. Vous formiez une personne et elle vous lâchait dès qu’elle était entraînée. C’était aussi très difficile d’en trouver des bons. Un influenceur vous coûte autour de 2 500 euros par mois. Pour un clone, il faut compter 1 000 euros pour scanner la personne et ensuite utiliser un logiciel de clonage qui vous coûtera 45 centimes pour 30 secondes de vidéo. Au final, c’est bien plus rentable", explique ce chef d'entreprise.

La seule règle imposée par le gouvernement chinois, à ce jour, est que la personne servant de modèle au clone numérique consente, par écrit, à l’utilisation de ses données biométriques. Pour le reste aucune mesure précise n’a été prise pour avertir le public de l’utilisation de l’IA. Et surtout aucun plan B pour les 10 millions de Chinois travaillant dans le secteur des directs de vente en ligne, persuadés de s’engager, il y a encore quelques années, dans un vrai métier d’avenir.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.