En Chine, l'aveu du Premier ministre sur le ralentissement économique
C'est une confession dont le pouvoir chinois n'est pas coutumier : il admet que la situation économique est très préoccupante. Pas question pour autant de remettre en cause la stratégie "zéro Covid-19", mais cet aveu public est tout de même inattendu.
La situation économique de la Chine est très préoccupante à cause de la pandémie de Covid-19 : cet aveu est le fait du premier ministre Li Keqiang, le deuxième personnage de l’État derrière le président Xi Jinping. Il a dressé ce constat lors d’une gigantesque téléconférence, jeudi 26 mai, avec des dizaines de milliers de responsables locaux du parti communiste.
Les mots sont forts : "C’est un moment critique", affirme Li Keqiang. Et il détaille : "L’emploi, la production industrielle, la consommation d’électricité, le transport de marchandises... Tout connaît une baisse marquée." Le tableau est tellement noir qu’il a été en partie censuré sur les réseaux sociaux et surtout par la presse officielle chinoise, qui met l’accent sur l’aspect positif : la mobilisation pour stabiliser et relancer l’économie.
En fait, Li Keqiang dit tout haut ce que les Chinois constatent dans la vie de tous les jours. L’objectif officiel de croissance de 5,5% cette année ne sera jamais tenu. Ce sera 4% au maximum, estiment les experts. Le chômage a dépassé 6%, proche de son record absolu, et ce n’est là que le chiffre officiel, qui ne tient pas compte par exemple des travailleurs migrants venus des campagnes. La consommation plonge : -11% sur un an pour les ventes au détail, moins 36% pour les ventes d’automobiles. Les investissements immobiliers sont également en recul. Le climat des affaires est mauvais.
L'emploi et la consommation en berne
Li Keqiang est un personnage discret, beaucoup moins médiatisé que le président Xi Jinping, mais c’est un rouage essentiel du pouvoir chinois. Cet homme de 66 ans occupe le poste de Premier ministre depuis neuf ans et il supervise la politique économique. Dans cet univers opaque du pouvoir chinois, il a la réputation d’être plus modéré que le très autoritaire Xi Jinping.
Li Keqiang a de toute façon annoncé il y a deux mois qu’il s’apprête à quitter son poste : "C’est la dernière année de mon mandat de Premier ministre", avait-il lâché en mars devant la presse, livrant là aussi une confession peu banale. Autrement dit, Li Keqiang n’a pas grand-chose à perdre à faire entendre sa petite musique et à se démarquer un peu de la ligne officielle. En soulignant, comme il l’a fait ce 26 mai, que la situation est plus difficile encore qu’au début de la pandémie, il émet une critique à peine voilée sur le fait que le ralentissement d’aujourd’hui est dû pour l’essentiel à la stratégie "zéro Covid-19". Cette stratégie met à l’arrêt une grande partie du pays, en particulier Shanghai et Pékin. Or cette stratégie est le dogme de Xi Jinping.
Un signe de divisions internes au sein du pouvoir
Est-ce à dire pour autant que le président chinois est critiqué, voire menacé ? On n’en est pas tout à fait là mais c’est le signe qu’au sein du parti communiste chinois cette stratégie fait grincer des dents. C’est inévitable : le pouvoir tire l’essentiel de sa légitimité des performances économiques du pays, de l’augmentation régulière du pouvoir d’achat, de l’essor des classes moyennes et de la diminution de la pauvreté. L’obsession du Zéro Covid met un coup d’arrêt à tout ça.
Par ailleurs, une échéance majeure se profile : le XXe congrès du Parti communiste chinois, à l’automne prochain. Il y a quelques semaines encore, la reconduction de Xi Jinping était gravée dans le marbre. Cela demeure l’hypothèse la plus probable mais ça ne sera pas aussi simple que prévu.
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