En Thaïlande, des drones contre la pollution
La capitale thaïlandaise est en proie à l'un des pires pics de pollution de son histoire.
Depuis un mois, Bangkok et ses 12 millions d'habitants sont dans le brouillard. Un brouillard vaguement rose ou vaguement jaune selon les heures. Un brouillard toxique qui dissimule la silhouette des gratte-ciels, qui donne le souffle court et pique les yeux. Dans la capitale thaïlandaise, les concentrations de particules fines - qui sont les plus nocives parce qu'elles pénètrent plus facilement les poumons - atteignent trois à quatre fois les maximums recommandés par l'Organisation mondiale de la santé. Depuis mercredi 30 janvier les écoles sont fermées, tout comme le lycée français et au moins deux universités : une décision sans précédent. Ce n'est pas la première fois que Bangkok connaît un pic de pollution, mais c'est l'un des pires que la ville ait jamais connu.
Le diesel en ligne de mire
Les causes sont multiples : il y a bien sûr les rejets des usines, industries lourdes et centrales électriques, mais aussi les gaz d'échappement. Bangkok compte aujourd'hui près de 10 millions de voitures, chiffre en progression exponentielle qui provoque de gigantesques embouteillages, mais il y a surtout deux millions et demi de véhicules qui roulent au diesel. À cela se sont rajoutées des conditions météo particulièrement aggravantes : humidité, absence de vent et couvercle d'air chaud au-dessus de la ville.
Des drones contre les particules fines
Le chef de la junte au pouvoir a d'abord demandé aux habitants d'essayer le co-voiturage, les autorités ont ensuite interdit les feux de toute sorte : interdiction même de brûler de l'encens pour le Nouvel An chinois ! Certains chantiers de construction sont interrompus et les voitures qui roulent au diesel sont en théorie interdites sur les routes, sous peine de sanction (sur le papier, trois mois de prison). Encore faut-il avoir les moyens de les contrôler. D'autres mesures ont été tournées en dérision : le déploiement de canons à eau dans les rues pour fixer les polluants, l'envoi d'avion pour déverser des produits chimiques dans les nuages et provoquer des averses... Jeudi, clou du spectacle, une dizaine de drones ont dispersé dans les airs un liquide censé alourdir les particules fines pour les faire retomber. Autant de tentatives qui n'ont pas vraiment fait la preuve de leur efficacité. Le gouverneur a fini par déclarer forfait : "Je ne sais pas tout", a-t-il dit jeudi, "j'invite tout le monde à nous aider"...
Un sujet politique
En Thaïlande, pays où la conscience écologique est assez faible, les autorités considéraient la semaine dernière encore que ce pic de pollution n'était pas si grave. Mais les critiques de la société civile ont pris de l'ampleur, et le sujet s'est imposé dans le débat politique. Les partis d'opposition, notamment celui de l'ancien Premier ministre (renversé par les militaires en 2006) organisent des distributions de masques anti-pollution. Ils expliquent à qui veut l'entendre que rejoindre le club des dix villes les plus polluées au monde est une bien mauvaise publicité qui risque aussi d'affecter le tourisme et l'économie. Des élections législatives se tiennent le 24 mars. Ce seront les premières depuis le coup d'État militaire de 2014, alors forcément, ce n'est pas le moment de se montrer impuissant. Pourtant les écologistes préviennent : cet épisode de pollution pourrait durer jusqu'à la fin février, et même empirer avec l'arrivée d'El Niño.
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