Équateur : une tentative d'assaut dans un hôpital maîtrisée mais la tension perdure

Le chaos règne en Équateur depuis quinze jours, après l’évasion de "Fito", un puissant chef de gang de narcotrafiquants. Après une prise d'otage en direct à la télévision le 9 janvier 2024, le gouvernement a décrété l'état d'urgence. Mais dimanche 21 janvier, un hôpital a encore été pris d’assaut par 68 hommes.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La police surveille les hommes arrêtés qui ont tenté de prendre le contrôle d'un hôpital à Guayas, en Équateur, le 21 janvier 2024. (STRINGER / AFP)

En dépit des efforts titanesques mis en œuvre par le jeune président Daniel Noboa, la situation est encore très loin d’un retour au calme en Équateur. Le chaos a commencé par l'évasion, dimanche 7 janvier, d'Adolfo Macias, alias "Fito", l'ennemi public numéro un, chef d'un gang de 8 000 hommes au cœur du trafic de cocaïne. Des mutineries se sont ensuivies dans les prisons et le mardi 9 janvier, des hommes armés ont débarqué sur le plateau d'une émission en plein direct, demandant à parler au chef de l'État. Les forces de l'ordre ont ensuite arrêté les auteurs de cette tentative de prise d'otage.

Depuis la mise en place de l’état d’urgence, les forces de l’ordre sont parvenues à reprendre le contrôle des prisons et le déploiement de 20 000 militaires a permis de resserrer les mailles du filet. Les armées équatoriennes et colombiennes ont d’ailleurs saisi ce week-end deux sous-marins miniatures transportant plus de trois tonnes de cocaïnes.

Mais dimanche, alors qu’une réunion d’urgence de tous les pays andins mettait en place un dispositif d’entraide pour lutter contre le crime organisé, un hôpital a été pris d’assaut par 68 hommes, au sud-ouest de l’Equateur. Ces hommes, qui voulaient récupérer un des leurs se trouvant dans l'établissement, ont été arrêtés, mais cet incident montre le degré d'instabilité qui règne. Tous les pays de la région ont très vite compris qu’ils étaient eux aussi concernés par cette crise en Équateur, bien conscients que le mal est bien plus profond qu’il n’y paraît.

Une violence qui infuse au-delà des frontières

Dès que les autorités parviennent à timidement contrôler le Nord, les gangs se déchaînent au Sud. Ces derniers jours, une situation totalement anarchique a conduit le Pérou à décréter, lui aussi, l’état d’urgence dans cinq départements. Les autorités anticipent en effet l’arrivée des factions criminelles en provenance d’Équateur. Plusieurs dizaines de groupes continuent de faire affaire avec les mafias du monde entier, mais localement ces groupes sont totalement autonomes.

Lucia Dammert, une conseillère équatorienne de haut niveau en politique de sécurité publique, explique : "Même si c’est vrai que les Yakuzas, la mafia russe, la mafia albanaise, sont présents en Équateur, nous avons des factions locales qui agissent selon leurs règles. Et aujourd’hui, c’est très dur d’anticiper leurs actions." La conseillère a successivement alerté les présidents chiliens, péruviens, mexicains et argentins sur les mutations du crime organisé sud-américain : "La 2e chose c’est la consolidation d’autres activités illégales. Les drogues sont très importantes bien sûr, mais vous avez aussi le trafic de migrants, l’extraction minière illégale, ce sont des marchés très puissants car ils infiltrent les institutions."

Le procureur chargé de l’enquête assassiné

Ces gangs très mobiles bénéficient d’appuis à tous les étages de la société équatorienne. Cette corruption a été dans le viseur du président Noboa dès son premier jour de mandat. Il a frappé très fort au cœur du mois de décembre avec l’opération "Métastases", où 900 policiers mobilisés ont procédé à 75 perquisitions et à l’arrestation de 26 hauts fonctionnaires. 

Ce séisme connaît des répliques qui se révèlent particulièrement violentes aujourd’hui. Justice, politique, administration pénitentiaire, tous les lieux de pouvoirs sont sous haute tension dans tout le pays et plus personne n’est à l’abri. Mercredi 17 janvier, le principal procureur chargé d’enquêter sur le crime organisé équatorien et notamment des investigations sur l’irruption d’hommes armés en direct sur le plateau d’une chaîne de télévision publique équatorienne, le 9 janvier, a été assassiné le 17 janvier.

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