Crise sécuritaire en Equateur : ce que l'on sait de la situation dans le pays, plongé dans un état de "conflit armé interne"

Le président Daniel Noboa a ordonné mardi la "neutralisation" des bandes criminelles. Cette annonce fait suite à l'irruption d'hommes armés sur le plateau d'une télévision publique dans la ville de Guayaquil.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des soldats équatoriens patrouillent devant les locaux de la chaîne de télévision TC, cible d'une attaque de membres de gangs de rue, le 9 janvier 2024 à Guayaquil (Equateur). (MARCOS PIN / AFP)

L'escalade de violences frappe l'Equateur depuis dimanche. Le gouvernement a déclaré le pays en "état de conflit armé interne", mardi 9 janvier, au troisième jour d'une crise sécuritaire sans précédent qui a fait au moins 10 morts, selon un premier bilan. L'échec est cuisant pour Daniel Noboa, plus jeune président de l'Equateur, élu à 35 ans en novembre 2023 et qui promettait de rétablir la sécurité dans le pays au moment de son investiture.

Les bandes criminelles, pour la plupart de simples gangs de rues il y a encore quelques années, gangrènent le pays d'Amérique du Sud depuis que le territoire s'est imposé comme le principal point d'exportation de la cocaïne produite au Pérou et en Colombie. Autrefois havre de paix, le pays est aujourd'hui ravagé par la violence. Mais pourquoi sévit-elle autant ? Franceinfo résume les derniers jours de crise.

Un dangereux chef de gang toujours en cavale après son évasion dimanche

Adolfo Macias, surnommé "Fito", s'est évadé dimanche de la prison de Guayaquil, où il purgeait depuis 2011 une peine de 34 ans pour crime organisé, trafic de stupéfiants et meurtre. Ennemi public numéro 1 en Equateur, il est à la tête du puissant gang de narcotrafiquants des Choneros. Il s'était déjà évadé de prison en 2013 pendant trois mois avant d'être rattrapé, rapporte France 24.  

Sa fuite a déclenché une cascade de mutineries et de prises d'otages de gardiens dans plusieurs établissements pénitentiaires du pays. Dans un communiqué publié mercredi, l'administration pénitentiaire a fait état de 139 membres de son personnel actuellement toujours retenus en otage dans cinq prisons équatoriennes. Plusieurs vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux, montrant les captifs sous la menace de couteaux et suppliant le gouvernement "d'agir avec prudence".

L’état d’urgence décrété pendant 60 jours

En réponse, le président Daniel Noboa a déclenché lundi l'état d'urgence dans le pays. L'armée est ainsi autorisée à participer pendant 60 jours au maintien de l'ordre dans les rues et les prisons du pays, où un couvre-feu est actif entre 23 heures et 5 heures (heure locale). Certains droits sont aussi restreints, tels que l'inviolabilité du domicile ou la correspondance.

En parallèle, le secrétaire à la communication du gouvernement, Roberto Izurieta, a annoncé que les forces de sécurité étaient "à pied d'œuvre pour retrouver cet individu extrêmement dangereux", le qualifiant de "criminel aux caractéristiques extrêmement dangereuses, dont les activités présentent des caractéristiques de terrorisme". De plus, une enquête est ouverte contre les deux fonctionnaires pénitentiaires "qui auraient participé à l'évasion" de "Fito", selon le parquet.

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Une prise d'otages en direct

Un nouvel incident retentissant a eu lieu mardi après-midi sur le plateau d'une télévision publique à Guayaquil, la capitale économique du pays. Des hommes armés ont fait irruption en direct, prenant en otage plusieurs journalistes et employés de la chaîne. Munis de pistolets, fusils à pompe et grenades, les assaillants cagoulés ont forcé les victimes à se mettre au sol. Sous l'œil des caméras, ils ont ensuite représenté avec leurs doigts les habituels signes de reconnaissance des gangs de rues.

Au milieu des coups de feu, la diffusion de ces images s'est poursuivie en direct pendant près d'une demi-heure, malgré l'extinction des lumières sur le plateau. Les policiers ont finalement réussi à accéder à l'intérieur. Ils sont parvenus à libérer les otages et à arrêter 13 assaillants, selon le journal El Pais. A l'heure actuelle, le bilan officiel ne fait état d'aucun mort ni blessé.

Le pays en état de "conflit armé interne"

Dans un décret signé mardi, le président a déclaré le pays en état de "conflit armé interne" et a ordonné la "neutralisation" des groupes criminels impliqués dans le narcotrafic. Il en a fourni une liste précise, composée de 22 noms. Le gouvernement impute cette escalade à ses tentatives récentes de rétablir la sécurité : "Les événements d'aujourd'hui montrent que les actes et les décisions du gouvernement affectent grandement les structures criminelles, et qu'en réponse, elles [commettent] une vague de violence afin d'effrayer la population", a déclaré l'amiral Jaime Vela, chef du commandement interarmées, à l'issue d'une réunion avec Daniel Noboa.

Mardi soir, le ministère de l'Education équatorien a également imposé la fermeture provisoire de toutes les écoles du pays, au moins jusqu'à vendredi. Certaines villes ont pris des mesures supplémentaires. Dans la capitale, à Quito, les magasins et les centres commerciaux ont fermé. Les établissements hôteliers sont par ailleurs verrouillés dans le grand port de Guayaquil.

Le Pérou frontalier également en état d'urgence

L'ampleur de cette crise est telle qu'elle dépasse peu à peu les frontières : le Pérou voisin a annoncé mardi soir avoir déclenché l'état d'urgence dans l'ensemble des régions frontalières de l'Equateur. La Chine a pour sa part interrompu mercredi les activités consulaires de son ambassade sur place ainsi que celles de son consulat. "La réouverture au public sera annoncée en temps voulu", a précisé l'ambassade dans un communiqué en espagnol, publié sur le réseau social chinois WeChat.

De leur côté, Les Etats-Unis sont "extrêmement préoccupés par la violence" et "prêts à fournir de l'assistance", a déclaré mardi le chef de la diplomatie américaine pour l'Amérique latine, Brian Nichols. Le Brésil, le Chili et la Colombie ont, eux aussi, exprimé leur soutien à l'Equateur. 

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