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L'Inde veut exclure les étrangers musulmans de la naturalisation

Le pays est agité par une vive controverse sur la naturalisation des immigrants illégaux. Le projet de loi, adopté en partie, prévoit de limiter cette possibilité aux non-musulmans.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des membres de l'opposition du Parlement indien scandent des slogans contre le projet de loi devant le Parlement, à New Delhi (Inde), le 10 décembre 2019. (PRAKASH SINGH / AFP)

La chambre basse du Parlement indien a adopté, dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 décembre, un projet de loi sur l'attribution de la citoyenneté. Le texte exclut les personnes de religion musulmane, ce qui a déclenché de nombreuses manifestations, mardi 10 décembre, dans tout le nord-est du pays.

Dans la province d’Assam en particulier, plusieurs routes ont été coupées par des sit-in de manifestants, qui ont brûlé des pneus et des portraits du Premier ministre Narendra Modi. De nombreux commerces ont dû rester fermés.

Une mesure discriminatoire selon les musulmans

Le mécontentement est de deux ordres. D’abord, il y a les musulmans : ils dénoncent une mesure discriminatoire du pouvoir nationaliste et hindouiste. L’Inde compte 200 millions de musulmans, soit 15% de la population, et toutes les associations musulmanes s’élèvent contre ce projet de loi.

Plus globalement, il y a aussi de nombreux habitants des régions frontalières qui redoutent un afflux d’immigrants non-musulmans des pays voisins, et donc une modification des équilibres ethniques au sein de la population. Il y a trois ans, le pouvoir avait déjà présenté un texte similaire mais il avait fini par reculer en raison, précisément, des manifestations.

Une Constitution laïque

Que dit ce texte ? Si l'on écoute le discours officiel du gouvernement, c’est un projet humanitaire : accorder la nationalité indienne à des réfugiés étrangers qui fuient l’oppression. Mais ce texte, surnommé CAB (pour Citizenship Amendment Bill), a tous les aspects d’une loi anti-musulmans. Selon lui, la nationalité indienne pourrait être attribuée à tout immigrant illégal vivant en Inde depuis six ans, à condition qu’il soit hindouiste, bouddhiste, sikh, chrétien... tout, sauf musulman, alors même que dans les pays voisins de l’Inde, de nombreux musulmans sont victimes de discrimination ou de persécution, comme les Rohingyas en Birmanie ou les Chiites au Pakistan ou au Bangladesh.

La Constitution indienne de 1955 est pourtant fondée sur un principe de laïcité et elle exclut, dans son article 14, toute discrimination liée à la religion. Mais le pouvoir de Narendra Modi est engagé dans un processus nationaliste qui revendique le caractère hindouiste du pays et instrumentalise les conflits religieux. Par exemple, il fait ériger des statues géantes à la gloire de l’hindouisme ou fait modifier les noms de villes à consonance musulmane. Ce projet de loi s’inscrit donc dans le droit fil d’une stratégie délibérée du pouvoir en place.

Le garde-fou de la Cour suprême

Ce texte a de bonnes chances d’être adopté parce que depuis sa victoire électorale du printemps dernier, le BJP, le parti de Narendra Modi, contrôle presque tous les leviers du pouvoir. Lundi 9 décembre, la chambre basse du Parlement indien, l’équivalent de l’Assemblée nationale, a adopté le texte à une majorité écrasante : 331 voix contre 80. Le projet sera examiné la semaine du 16 décembre par le Sénat, et ce sera plus compliqué parce que le BJP ne possède qu’une majorité relative, mais il devrait former une alliance avec de petits partis pour faire passer la loi. Il ne restera alors plus que la Cour suprême pour arrêter le processus. C’est possible, parce que cette instance a manifesté à plusieurs reprises son indépendance vis-à-vis du pouvoir... et qu’elle est, normalement, garante de la Constitution.

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