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La Syrie se prépare à un simulacre d'élection présidentielle

L'élection présidentielle prévue ce 26 mai, après dix ans de guerre civile, n’aura rien de démocratique. Bachar al-Assad est assuré de l’emporter.  

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les affiches de la campagne électorale de Bachar al-Assad, à Damas, le 25 mai 2021 (LOUAI BESHARA / AFP)

Le dictateur syrien Bachar al-Assad n’a pas lésiné sur la communication avant l'élection présidentielle, prévue ce mercredi 26 mai : posters géants à tous les grands carrefours de la ville et clips vidéo martelant son slogan de campagne "L’espoir par le travail". Mais c’est un théâtre d’ombres, une farce : communication ou pas, Bachar al-Assad, aujourd’hui âgé de 55 ans, sera réélu  pour la quatrième fois.

60 ans de dynastie Assad

Unique incertitude : savoir s’il dépassera son score de 2014 de 88% de voix. Assad, qui est au pouvoir depuis 21 ans, va donc rempiler pour sept années supplémentaires. Sachant que son père Hafez avait, avant lui, occupé le pouvoir pendant 30 ans, la dynastie Assad est donc partie pour passer près de 60 ans au pouvoir.

Seuls deux autres candidats ont été autorisés à se présenter ce mercredi : un ancien ministre, Abdallah Salloum Abdallah, et ce qu’on appelle "un opposant de l’intérieur", Mahmoud Mareï. Ils n’ont aucune chance. Ils servent uniquement de faire valoir pour Assad, une façon d’entretenir l’illusion que les institutions syriennes continuent de fonctionner. Mais les pays occidentaux ont déjà annoncé leur intention de ne pas reconnaître les résultats.    

Incertitude sur le taux de participation

Il y a tout de même un enjeu : le taux de participation. La grande majorité des Syriens ne votera pas. Sur les 21 millions d’habitants que comptait le pays au début de la guerre, 6 millions ont fui la Syrie : ils ne sont pas autorisés à mettre un bulletin dans l’urne, sauf à prouver qu’ils sont sortis légalement du pays. On compte aussi 5 millions de personnes "déplacées", qui ont changé de région pendant le conflit. Elles ne vivent plus là où elles sont inscrites sur les listes électorales.

Il faut enfin ajouter tous les habitants des zones du pays que ne contrôle pas l’armée d’Assad. Elles représentent un bon tiers du territoire syrien : le nord-est, tenu par les Kurdes, le nord, contrôlé par l’armée turque, et la poche d’Idlib à l’ouest. Il ne reste plus grand monde. Le taux de participation officiellement affiché sera certainement faux. Mais le pouvoir connaîtra le chiffre réel. Et il pourra quand même mesurer le degré d’allégeance de la population, des notables, des grands chefs tribaux. C’est majeur dans un système syrien régi par les clans.  

80% de la population sous le seuil de pauvreté

La population syrienne a une autre préoccupation, c’est de survivre, de se nourrir. Assad est certes toujours au pouvoir, mais il règne sur un champ de ruines. Près de 400 000 personnes sont mortes pendant la guerre et 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le produit intérieur brut était quatre fois plus élevé avant la guerre. La Syrie est en faillite. Le leitmotiv officiel d’Assad, c’est la reconstruction. C’est tout le sujet de son clip de campagne.

On y voit une usine qui se remet en marche, un agriculteur qui revient dans son champ, etc. Son objectif, après ce scrutin, est d’attirer les investisseurs étrangers, les bailleurs de fond. La Russie, l’Iran et certains pays du Golfe se verraient bien obtenir la part du lion, sur le pétrole, les mines de phosphate ou l’immobilier. Mais les sommes nécessaires pour reconstruire le pays sont colossales, évaluées à plus de 1 000 milliard d’euros.    

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