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Les clichés à travers le monde. Les Suisses parlent-ils lentement ?

En ce mois d’août, franceinfo s’interroge sur les clichés que l’on associe parfois à un pays. Est-ce pertinent ? Ou, au contraire, infondé ? Aujourd’hui, direction la Suisse. Les Helvètes parlent-ils vraiment plus lentement que les Français ? 

Article rédigé par franceinfo - Jérémie Lanche
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
L’expression "y'a pas le feu" s’est progressivement transformée en "y’a pas le feu au lac", en référence au lac Léman.  (FABRICE COFFRINI / AFP)

Au rayon des accents, le français est plutôt bien servi. Rien qu’en France, on en compte des dizaines. Le chiffre grimpe à plusieurs centaines si on considère le Québec, la Belgique et tous les autres pays francophones. Mais un pays semble se distinguer par la lenteur supposée de son français : la Suisse. Mais est-il vrai que les Suisses parlent aussi lentement qu’on le dit ? Ou s'agit-il d'un cliché ? Des chercheurs ont mené l’enquête. 

Pour savoir si les Suisses parlent lentement, le mieux c’est encore de leur demander. Question posée à Gaëlle, dans le train entre Neuchâtel et Lausanne : "Moi je sais que quand je partais en vacances quand j'étais plus jeune, on me disait tout le temps 'Mais pourquoi vous parlez aussi lentement ?' C'est souvent ce qu'on nous dit ça mais nous on a pas vraiment l'impression qu'on parle lentement". 

Une idée qui s'impose dans les années 1980

L’idée que les Suisses, vu de France en tout cas, parlent lentement, ne date pas d’hier. Mais elle s’est quasiment imposée après les années 1980, avec la publicité pour les barres Ovomaltine, depuis passée à la postérité.

"Quand vous demandez à quelqu'un d'imiter l'accent suisse, vous avez toujours un ralentissement de l'élocution", affirme Mathieu Avanzi, professeur de linguistique à l’Université de Neuchâtel. "On a essayé de tester pour savoir si c'était un mythe ou pas. Au début des années 1980 des chercheurs de Lausanne avaient enregistré des Parisiens et des Vaudois et ils avaient mesuré leur vitesse de parole. Ils montraient qu'il n'y avait pas de différence, donc que c'était bien un mythe"

Mais en 2008, des gens retentent l'expérience avec des résultats qui "sont allés dans le sens inverse", explique le chercheur. "Donc cela a confirmé l'hyptohèsque que les Suisses-Romands parlent plus lentement". 

La nature de la langue à l'origine de cette différence 

Les Suisses, parlent en effet plus lentement que les Français et même que les Belges. Mais c’est finalement logique, au regard de la nature même du français en Suisse Romane. Notamment avec, par exemple, une différence entre les "longues" et les "brèves", selon Mathieu Avanzi. "On oppose en Suisse Romane encore 'nu' au masculin et 'nue' au féminin ou 'jeune' et 'jeûne'", explique-t-il. 

"Les Suisses-Romands font sauter beaucoup de 'e' muets" et donc produisent des syllabes qui sont plus longues."

Mathieu Avanzi, professeur de linguistique à l’Université de Neuchâtel

à franceinfo

"On a également des accentuations initiales que vous entendez par exemple dans 'Saint-Aubin', ces espèces de ralentissements qui font qu'au final les Suisses-Romands articulent plus lentement", affirme le chercheur. 

Tous les Suisses ne parlent pas avec le même débit

Une nuance tout de même : tous les Suisses ne parlent pas avec le même débit. On ne verra pas beaucoup de différences entre un jeune de Genève et un autre de Paris. Beaucoup plus entre une personne âgée à Lausanne et une autre à Lyon.

L’origine joue également un rôle. De l’avis général, les habitants du canton de Vaud s’expriment en moyenne bien plus lentement que ceux du Valais. C’est d’ailleurs sans doute pour moquer la lenteur des Vaudois que l’expression "Y'a pas le feu" s’est progressivement transformée en "Y'a pas le feu au lac" au siècle dernier, en référence au lac Léman, qui, c’est vrai, invite à la détente.

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