République démocratique du Congo : Médecins sans frontières tire la sonnette d’alarme sur la situation humanitaire
"C’est une catastrophe humanitaire" : les mots sont de Médecins sans frontières (MSF), sans doute la dernière ONG qui parvient encore à travailler dans les camps de tous les belligérants. Rien que dans la grande ville de Goma, toute proche du Rwanda, le nombre de déplacés approche les 600 000 personnes. Il faut au moins doubler le chiffre pour une estimation dans l’ensemble de cette région du Kivu : 1,5 million de personnes déplacées.
Pour la plupart, ces déplacés vivent dans des conditions très précaires. Il y a beaucoup de femmes et d’enfants. Des épidémies de rougeole et de choléra menacent, avec déjà de nombreux cas. Les latrines manquent, l’eau potable également. L’insécurité règne, les agressions et les viols sont monnaie courante dans ces camps de fortune. L’Union européenne vient tout de même d’envoyer deux avions d’aide humanitaire à Goma, ce qui est très insuffisant. Pour MSF, la crise dans le Kivu est sous-estimée par toute la communauté internationale, alors que c’est la pire depuis 30 ans dans cette région des Grands Lacs. La pire depuis le génocide au Rwanda en 1994.
L'implication des voisins, Rwanda, Burundi et Ouganda
Le conflit menace indirectement toute cette région des Grands Lacs. Au départ, c’est une guerre civile interne à la République démocratique du Congo, ce pays qui est le plus grand pays francophone au monde par la taille, quatre fois celle de la France, avec 90 millions d’habitants. Cette guerre civile oppose l’armée régulière congolaise à la rébellion du M23 depuis 20 ans. Un accord avait été trouvé en 2013 mais selon les rebelles, il n’a pas été respecté par le pouvoir congolais. Les combats ont donc repris.
Le M23, désormais très structuré militairement, progresse sur le terrain. Il est soutenu par le Rwanda voisin : ce dernier s’en défend, mais l’ONU est catégorique. En face, l’armée congolaise fait appel à des supplétifs, des milices locales, dont les exactions sont nombreuses. Et aussi à des hommes venus du Burundi, deuxième voisin de la zone. Pour compliquer le tout, un mouvement affilié au groupe Etat islamique, les ADF (Allied Democratic Forces), multiplient les tueries – encore 20 morts en fin de semaine dernière. Ce mouvement est composé, au départ en tout cas, de musulmans en provenance d’Ouganda, le troisième pays voisin. Ces affrontements ont donc de multiples facettes : rivalités nationalistes, ethniques, religieuses, tribales. Avec, à l’arrière-plan la maitrise du sous-sol, très riche, de cette région.
Une certaine indifférence internationale
Outre le fait que le bilan commence à être très lourd, il faut donc rappeler que nous sommes dans cette région des Grands Lacs qui a déjà connu le génocide de 1994 : 800 000 morts, des Tutsis dans leur très grande majorité massacrés par des extrémistes Hutus. Ça devrait suffire à attirer l'attention. En sachant, comme le précise un diplomate français, que la "solution" passe par "un dialogue régional". Enfin, dernier paramètre : le relatif désintérêt des Occidentaux pour ce conflit explique en partie le sentiment de nombreux Africains d’un "deux poids deux mesures" de l’Occident : tout pour l’Ukraine, rien ou presque sur les autres conflits, et notamment celui-ci, en RDC.
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