Taïwan : à l'approche des élections, la Chine harcèle l'île avec des ballons espions et des messages en boucle au large des côtes

À moins d’une semaine de l’élection présidentielle taïwanaise, les signaux de l’intérêt que porte Pékin à ce scrutin sont de plus en plus nombreux. Ce week-end, Taïwan s'est sérieusement inquiété de la valse des ballons de haute altitude en provenance de Chine continentale.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
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Quai du port de Qiao Zi sur l'île Beigan, dans le petit archipel taïwanais de Matsu, situé entre Taïwan et la CHine continentale. (photo d'illustration) (JACK MOORE / AFP)

Ce week-end, le ministère de la Défense taïwanais a qualifié de "menace sérieuse" la présence dans son espace aérien de ballons de haute altitude en provenance de Chine continentale. Il s'agit du même type de ballons qui avaient survolé une partie des États-Unis et du Canada en février 2023. À l’époque, une multitude d’experts s’étaient penchées sur l’intérêt d’utiliser ce genre d’objet volant.

Ces ballons stratosphériques sont moins détectables et plus autonomes que des drones et sont capables aujourd’hui d’embarquer tout un arsenal électronique, comme des caméras, des détecteurs de radiofréquences, des radars… Bref, les Américains avaient fini par détruire au-dessus de l’Atlantique plusieurs de ces ballons espions chinois.

Tactique de harcèlement

La défense taïwanaise, elle, n’a fait que signaler leur présence, à 8 000 ou 10 000 mètres d’altitude au-delà de ligne médiane du détroit de Taïwan, qui sépare l’archipel de la Chine continentale. Le dernier ballon a stationné au-dessus de l’île principale pendant une grosse heure, vendredi 5 janvier 2024, avant de disparaître sans laisser de trace.

Les autorités taïwanaises indiquent qu'il s'agit d’une présence inhabituelle. Mais c’est tout de même le cinquième ballon repéré dans le ciel de Taïwan depuis début décembre 2023. Avant cela, les Taïwanais étaient plus habitués à d’autres formes de pression de la part de Pékin. En effet, les avions de chasse de l’armée de l’air chinoise franchissent régulièrement l’espace aérien taïwanais. La semaine dernière, un rapport de défense a repéré pas moins de 27 appareils en position de survol illégal. C'est la même chose dans les eaux territoriales, avec des navires militaires chinois de plus en plus proches des côtes taïwanaise. Pour le porte-parole du ministère de la Défense de Taïwan, les ballons font partie de la même tactique de harcèlement : "D’après nos analyses, les récents survols de ballons chinois font partie de la tactique de guerre de Pékin en zone grise. Il s’agit d’une stratégie destinée à affaiblir le moral des citoyens."

Diffusion en boucle de messages de propagande

Saper le moral des Taïwanais, c'est ce que tente de faire la marine chinoise, en diffusant en boucle, à quelques kilomètres des côtes, des messages de propagande. "Comme s’ils lisaient un scénario", témoigne un pêcheur taïwanais sur le site de la BBC. Le message affirme que "la République populaire de Chine est le seul gouvernement légitime en Chine" et que "Taïwan est une partie inséparable de la Chine".

La Chine considère Taïwan comme l’une de ses provinces, qu’elle n’est pas parvenue à réunifier avec le reste de son territoire depuis 1949, au moment de la fin de la guerre civile. C’est tout l’enjeu de l’élection présidentielle de samedi 13 janvier 2024 : les deux candidats "sino compatibles" n’ont pas réussi à s’entendre pour peser réellement face à William Lai, candidat du parti progressiste favorable à l’indépendance de l’archipel, et détesté par le gouvernement chinois. Pékin pratique donc la "guerre grise" depuis plusieurs mois. Une tactique théorisée par le célèbre stratège militaire Sun Tzu dans son célèbre traité L'Art de la guerre. Une tactique destinée à "soumettre l’ennemi sans combat", une forme d’ingérence politique qui ne dit pas son nom.

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