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Vive tension entre le Japon et la Corée du Sud après une décision d'indemnisation des "femmes de réconfort"

Les relations entre les deux pays s’enveniment suite à une décision de justice en Corée du Sud sur ces anciennes esclaves sexuelles de l'ancien Empire japonais.  

Article rédigé par franceinfo
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Ces papillons jaunes en papier représentaient le symbole des victimes de l'esclavage sexuel lors d'une cérémonie funéraire de l'ancienne "femme de réconfort"sud-coréenne Kim Bok-dong ( février 2019)  (JUNG YEON-JE / AFP)

C’est un vieux contentieux qui empoisonne les relations entre les deux pays. Et il vient d’être relancé par le verdict d’un tribunal de Séoul, la capitale sud-coréenne. La justice a décidé ce vendredi 8 janvier de condamner le gouvernement japonais à verser des indemnisations à 12 de ces "femmes de réconfort". 74.000 euros pour chacune d’elles. Ce qu’on appelle pudiquement "les femmes de réconfort ", ce sont en fait des esclaves sexuelles.

On estime que pendant la première moitié du XXème siècle, près de 200.000 femmes ont été contraintes de se prostituer dans ce qu’il faut bien appeler des bordels, mis à disposition de l’armée japonaise, lorsque la péninsule coréenne était occupée par le régime impérial (de 1910 à 1945). Le sujet est longtemps resté tabou. Et c’est la première fois qu’une décision de justice tranche en faveur de ces femmes, aujourd’hui très âgées. L’examen des plaintes a d’ailleurs duré 8 ans, et pendant ce temps, 7 des 12 plaignantes ont perdu la vie. Elles sont aujourd’hui représentées par leurs familles et par une association très connue en Corée du Sud, House of Sharing. La décision du tribunal fait la Une des journaux dans les deux pays.  

Un tabou brisé

Le Japon est furieux: l’ambassadeur de Corée du Sud à Tokyo a même été convoqué séance tenante par les autorités japonaises. Le Japon considère que cette décision de justice fait fi de sa souveraineté : un tribunal étranger n’a pas à nous réclamer de l’argent, estime en substance le gouvernement japonais. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il ne fera pas appel : ce serait reconnaitre la légitimité de la justice sud-coréenne. Et puis surtout, vu de Tokyo, tout est soldé depuis un traité de 1965 qui a permis le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Ce traité stipulait en effet que les réclamations éventuelles entre ressortissants étaient "définitivement réglées". Sauf qu’à l’époque, la question des "femmes de réconfort" n’était pas sur la place publique. La loi du silence continuait de régner sur le sujet. La justice sud-coréenne considère que le gouvernement japonais au moment du régime impérial, avait érigé un véritable système d’esclavage sexuel. Ce que réclament d’ailleurs les plaignantes, ce ne sont pas tant les indemnités qu’une reconnaissance de responsabilité du Japon. 

Une potentielle saisie de biens japonais

Et du coup, les relations entre les deux pays sont très tendues; en fait, elles sont très tendues depuis un moment, avec plusieurs contentieux liés au passé : un autre porte sur le travail forcé, imposé là aussi par l’Empire japonais. Et ça ne va sans doute pas s’arranger dans les jours à venir. Pour deux raisons. D’une part, un autre tribunal sud-coréen doit se prononcer le 13 janvier sur une plainte similaire, 20 personnes, là encore 20 dossiers de "femmes de réconfort". D’autre part, des procédures sont engagées pour contraindre le Japon à régler les dédommagements accordés dans la décision de ce jour : et ça pourrait passer par la saisie de biens japonais en Corée. La tension ne va pas retomber de sitôt.    

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