"En France, les transports sont responsables de 32% des émissions de gaz à effet de serre" : François Gemenne veut décarboner aussi nos routes

Tous les samedis on décrypte les enjeux du climat avec François Gemenne, professeur à HEC, président du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l'homme et membre du GIEC. Samedi 13 janvier : le lancement de l’Alliance pour la décarbonation de la route.
Article rédigé par franceinfo - François Gemenne
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En France, selon le Haut Conseil pour le Climat, les émissions du secteur des transports sont responsables de 32% des émissions. Photo d'illustration. (JEAN-LUC FLEMAL / MAXPPP)

Cette semaine on s’intéresse à l’Alliance pour la décarbonation de la route, une initiative lancée, le 12 décembre 2023, par François Gemenne avec plusieurs collègues et universitaires. C’est un regroupement de chercheurs, d’industriels et de collectivités, qui veulent travailler à décarboner la route, et à mettre en œuvre des solutions concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre provoquées par le trafic routier.

franceinfo : Pourquoi la route ? Pourquoi c’est important ?

Parce que c’est la principale source d’émissions de gaz à effet de serre en France. En France, selon le Haut Conseil pour le Climat, les émissions du secteur des transports sont responsables de 32% des émissions. Et l’immense majorité de ces émissions, elles sont provoquées par le transport routier : 94% des émissions de transports en France, ce sont les voitures, les camions et les véhicules utilitaires. Et surtout c’est un secteur dont les émissions ne baissent guère, contrairement à d’autres secteurs comme l’industrie et le bâtiment. Selon l’Agence européenne de l’environnement, les émissions du secteur des transports seront en 2030 supérieures de 10% à leur niveau de 1990.

Il y a la voiture électrique, pourtant…

Bien sûr. Et c’est important, mais ça ne suffit pas. Parce qu’il y a aussi la question des infrastructures, de la route elle-même. Si on n’équipe pas les infrastructures, si on ne permet pas davantage de report modal, par exemple, si on n’investit pas davantage dans le transport public, on n’y arrivera pas. 

"Si on ne s’attaque pas à la route, on ne parviendra jamais à atteindre notre objectif de réduction des émissions de 55% d’ici 2030, au niveau national."

François Gemenne

franceinfo

Et donc, comment peut-on faire ?

Le problème, c’est que dès qu’on s’attache à la voiture, les Français ont l’impression qu’on s’attaque à leur liberté individuelle, et on voit que le soutien des Français aux mesures qui touchent à la voiture est de plus en plus faible. Ce que nous disons, c’est qu’il faut décarboner la route elle-même, et pas seulement les véhicules qui roulent dessus.

Mais est-ce que la solution ce n’est pas le train, tout simplement ?

Le report modal, vers le train notamment, ou vers le vélo pour les courts trajets, fait évidemment partie de la solution. Mais aujourd’hui, l’écrasante majorité des déplacements du quotidien continuent à se faire en voiture, et même dans des voitures dans lesquelles on voyage seul. Donc il faut absolument s’attaquer à ces émissions-là.

Comment peut-on faire ? Quelles sont les solutions ?

La bonne nouvelle, c’est qu’il y a énormément de solutions, et que ces solutions ne demandent qu’à être mises en œuvre. Il y a la transformation de nos routes et de nos autoroutes, mais aussi des solutions de transport collectif : par exemple des cars express dans des régions rurales ou semi-rurales. Ou des lignes de co-voiturage, pour permettre aux gens de partager leur voiture. Il y a plein de choses qu’on peut faire. Des solutions techniques ou technologiques, mais aussi des solutions d’usages, de pratiques, d’aménagements urbains ou d’aménagements routiers…

Pourquoi est-ce qu’on ne le fait pas, alors ?

"La route a souvent été le parent pauvre de nos politiques de décarbonation."

François Gemenne

franceinfo

C’est pour ça que nous lançons cette alliance : pour faire travailler ensemble tous les gens qui ont des solutions et qui veulent les mettre en œuvre. Des constructeurs automobiles, des concessionnaires d’autoroutes, des professionnels du co-voiturage, des exploitants de transport collectif, des entreprises du BTP, des assurances, en lien avec les collectivités, bien entendu. L’idée, c’est de proposer des solutions concrètes, et de voir ensuite avec les pouvoirs publics comment il est possible de les mettre en œuvre. Et on invite tous ceux qui sont intéressés, qui ont des solutions à proposer, à nous rejoindre.

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