Législatives 2024 : "Un programme nationaliste est fondamentalement incompatible avec l’écologie", selon François Gemenne

Tous les samedis on décrypte les enjeux du climat avec François Gemenne, professeur à HEC, président du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l'homme et membre du GIEC.
Article rédigé par franceinfo - François Gemenne
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Affiche commune de Jordan Bardella avec Eric Ciotti à Nancy, le 20 juin 2024. (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)

Cette semaine on a beaucoup parlé des propositions économiques des différents partis en campagne pour les législatives. Leurs programmes ont été auditionnés par le Medef, et les médias ont mobilisé des batteries d’économistes pour disséquer les différents programmes. Par contre on n’a que très peu parlé du volet écologique de ces programmes, c’est donc l’occasion de rattraper un peu cela avec François Gemenne.

franceinfo : On a peu parlé des programmes écologiques des différents partis jusqu'ici. Mais qu'en est-il de celui du Rassemblement national ?

François Gemenne : Cette semaine, beaucoup de journalistes m’ont demandé de commenter les propositions du RN sur le climat ou l’écologie en général. Je suis assez mal à l’aise parce que je pense que l’essentiel n’est pas là, et que ça participe, au fond, à la banalisation de l’extrême droite. Et le problème de l’extrême droite, ce n’est pas vraiment qu’elle soit hostile aux éoliennes ou à la voiture électrique. À ce compte-là, beaucoup de militants et de penseurs écolos sont tout aussi hostiles à la transition, et opposés à tout ce qui pourrait ressembler à une solution, ça ne fait pas d’eux des militants d’extrême droite.

Si certains pensent que c’est une évolution positive, que tous les partis doivent s’emparer de ces sujets, y compris le RN, je pense que c’est un trompe-l’œil. Comme l’écrivait Le Monde cette semaine, le rejet de l’écologie est devenu un puissant moteur du vote pour le RN, qui a bien compris cela. C’est pour ça que son refus des réglementations sur les voitures électriques, sur les diagnostics de performance énergétique des logements, ou son hostilité aux énergies fossiles, nous ramène directement en arrière, à l’âge des fossiles. Mais en fait, le vrai problème pour l’écologie, ce sont les parties du programme qui ne concernent pas l’écologie.

"Au fond, les propositions de l’extrême-droite pour le climat ou pour la biodiversité sont assez secondaires. Parce qu’un programme qui est nationaliste est fondamentalement incompatible avec l’écologie."

François Gemenne

à franceinfo

Vous ne pensez pas qu’il peut y avoir une écologie d’extrême droite ?

Non. Une vision nationaliste du monde, qui est la caractéristique fondamentale de l’extrême droite, est fondamentalement incompatible avec l’objectif de garder la Terre habitable pour tous, pour tous les vivants. Les problèmes écologiques que nous devons affronter, aujourd’hui, sont des problèmes globaux, qui dépassent nos frontières, qui dépassent aussi notre espérance de vie. Il ne s’agit pas de secourir des chiens errants. Le projet fondamental de l’extrême droite, c’est de faire passer l’intérêt national avant tout le reste, de ne voir les enjeux qu’à l’aune de l’intérêt national.

La défense de l’intérêt national n'est pas le problème. C’est le fait de placer cela avant tout le reste, de considérer que l’intérêt national prime sur l’intérêt global. Que seule compte la communauté nationale, alors que l’écologie est avant tout un humanisme, une vision du monde universaliste qui implique une responsabilité vis-à-vis de l’autre, et du vivant en général. Ça implique, par nature, un dépassement des frontières, plutôt qu’un repli sur celles-ci.

Mais est-ce que ça veut dire que l’écologie serait réservée aux Verts, par exemple ?

Il peut évidemment y avoir une écologie de droite, comme une écologie de gauche. Et la gauche n’a certainement pas le monopole de cette question. Mais tous les partis démocratiques, du NPA aux Républicains, portent une certaine vision de la transition. On peut critiquer certains renoncements, des manques d’ambition, des mesures mal financées, etc. Et c’est évidemment ce que nous faisons régulièrement dans cette chronique. Mais l’extrême droite, dans son idéologie, dans la vision du monde qu’elle porte, est fondamentalement antinomique à l’écologie. Et ça, c’est quelque chose qui n’a pas changé, et qui ne changera jamais.

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