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Catastrophes naturelles : "Le plus tôt on peut être alerté, le mieux on pourra sauver des vies", souligne François Gemenne

Tous les samedis on décrypte les enjeux du climat avec François Gemenne, professeur à HEC, président du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l'homme et membre du GIEC. Samedi 25 octobre : prévenir les catastrophes naturelles grâce à des oiseaux.
Article rédigé par franceinfo - François Gemenne
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Temps de lecture : 4min
Une barge rousse ou "kukua" en Maori. (HTTPS://IMAGEBROKER.COM/9290734)

Utiliser des oiseaux migrateurs pour prévenir les catastrophes naturelles peut paraître insensé et c'est pourtant le but du programme scientifique innovant "Kivi Kuaka". Il porte le nom de deux oiseaux migrateurs, Kivi, nom polynésien du courlis d’Alaska, et Kuaka, nom maori de la barge rousse qui peuvent aider à mieux prévenir les catastrophes naturelles, et notamment à déclencher l’alerte plus tôt. 

Ces oiseaux migrateurs sont, en effet, très sensibles aux infrasons produits par les vortex des cyclones ou des vagues submersives. Ils peuvent donc prévenir de l’imminence d’un ouragan, d’une tempête ou même d’un tsunami. Lors du tsunami de l’Océan Indien, en 2004, des survivants dans la province d’Aceh, en Indonésie, ont raconté qu’ils avaient vu des oiseaux se réfugier dans les terres bien avant l’arrivée de la vague.

C’est à partir de ce constat qu’est né le projet Kivi Kuaka. L’idée est d’équiper des centaines d’oiseaux migrateurs dans le Pacifique Sud de petites balises GPS, qui vont transmettre les données de leurs vols via la Station spatiale internationale. Les données permettent non seulement de mieux anticiper les catastrophes naturelles, mais aussi d’améliorer la modélisation du climat et les prévisions météorologiques dans cette zone. Ces balises permettront également de transmettre des données précieuses pour la préservation de la biodiversité, puisque ces populations d’oiseaux ont été réduites de moitié en 20 ans.

Un programme développé avec l'armée

Au départ, ce programme a été développé au sein d'une collaboration inédite composée du ministère des Armées, du ministère de la Transition écologique et du Museum national d’histoire naturelle. D’autres partenaires se sont ajouté, comme l’Office français pour la biodiversité, Météo France ou l’Agence française de développement.

Si la présence du ministère des Armées peut surprendre, c'est parce que la sécurité environnementale a redéfini son rôle. De plus en plus, les armées sont appelées en renfort sur des terrains de catastrophes, lors d’opérations humanitaires, pour évacuer des populations ou fournir de l’assistance aux victimes. C’est particulièrement vrai dans le Pacifique du sud, où beaucoup de territoires sont très vulnérables aux catastrophes climatiques, et où les moyens d’intervention sont souvent très limités.

À chaque fois qu'une catastrophe survient, le manque d'anticipation est souvent déploré et c'est pourtant la clé de la prévention de ces catastrophes. Le plus tôt on peut être alertés de ces catastrophes, le mieux on pourra évacuer les populations et donc sauver des vies. C’est pour ça que ce programme Kivi Kuaka est important, parce que les résultats qu’il fournit peuvent évidemment s’appliquer dans bien d’autres régions.

Un programme en danger

Les financements pour 2024 ne sont toujours pas garantis, ce qui menace évidemment l’avenir du programme. François Gemenne a pu suivre ce programme notamment dans le cadre de l’Observatoire Climat et Défense du ministère des Armées, qu'il dirige avec Julia Tasse. Il n'y a pas encore suffisamment de moyens mis dans la prévention des catastrophes, alors que les outils qui permettraient de réduire considérablement leurs impacts existent.

La France n'est d'ailleurs pas à l’abri des catastrophes naturelles. Un des principaux effets du changement climatique sera l'augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes. En France, 62% de la population est exposée aux risques climatiques, selon le ministère de la Transition écologique. En 2022, la facture des catastrophes naturelles en France s’élevait à dix milliards d’euros, selon les assureurs.

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