Roland-Garros 2024 : accusé d'être "totalement irrespectueux", le public du tournoi parisien a-t-il vraiment changé ?
Vainqueur du Français Giovanni Mpetshi Perricard mardi 28 mai après trois heures et demie de combat sur le court 14, David Goffin n'avait pas franchement le sourire à l'issue de son premier tour à Roland-Garros. Du haut de ses 33 ans, le Belge, d'ordinaire plutôt calme, s'est lâché en conférence de presse sur l'attitude du public français : "Clairement, ça va trop loin, c'est de l'irrespect total, c'est vraiment trop. Ça commence à devenir ridicule. Certains sont plus là pour foutre le bordel que pour mettre l'ambiance. Aujourd'hui, quelqu'un m'a craché son chewing-gum. Ça devient compliqué".
Mercredi soir, c'est la numéro un mondiale, Iga Swiatek, qui s'est plainte de cris pendant les échanges après sa victoire épique sur l'ex-reine du circuit, Naomi Osaka. C'en était trop pour les organisateurs et Amélie Mauresmo, la directrice du tournoi, a ainsi convoqué la presse, jeudi 30 mai, pour annoncer plusieurs mesures dont l'interdiction de l'alcool en tribunes et une sécurité plus stricte durant le déroulement des rencontres. Des soubresauts qui amènent une question brûlante en ce froid début de quinzaine : le public parisien a-t-il vraiment mal tourné ?
Des tribunes plus chaudes
Du haut de ses seize participations à Roland-Garros, notre consultant Arnaud Clément confirme une évolution : "Depuis le Covid, c'est plus électrique. D'ailleurs, si un joueur fair-play et retenu comme David Goffin le dit, ce n'est pas pour rien". En revanche, contrairement à ce qu'affirme le Belge, les publics chauvins et les incivilités parfois constatées ne sont pas propres au tournoi parisien.
"A l'Open d'Australie, c'est pareil, le phénomène s'est accéléré avec un public très, très alcoolisé", glisse ainsi Arnaud Clément, en évoquant également "le public excessif à Rome, par exemple". Selon Justine Hénin, "il n'y a que Wimbledon qui est épargné". Un constat que ne partage même pas Richard Gasquet, qui a rappelé, après son élimination mercredi soir contre Jannick Sinner, avoir été chahuté par le pourtant policé public britannique lors d'une rencontre l'opposant à Andy Murray. Si les travées des courts de tennis sont de plus en plus bruyantes et festives, c'est donc un phénomène qui dépasse de loin le cadre de la porte d'Auteuil.
"Il y a toujours eu du chauvinisme pour les joueurs locaux, mais ça évolue depuis quelques années", détaille Arnaud Clément. Une évolution notamment due à la constitution de véritables groupes de supporters, à l'image du Koq et de la Tribune Bleue pour les joueurs français. Mais dans ces groupes, on regrette ces débordements. "Ce sont des cas isolés qui entachent l'ambiance de tout un stade", se désole Hippolyte, membre de la Tribune Bleue.
Des torts partagés
Cette nouvelle atmosphère n'a pas que des détracteurs dans le monde du tennis. "A Melbourne, les Australiens ont bien accueilli nos encouragements, c'était limite mieux perçu qu'ici", complète Antoine.
"Ici, on sent parfois des réticences face à cette nouvelle ambiance plus chaude, parce que le public de Roland-Garros est plus là en tant que spectateur que supporter. Ce n’est pas évident d’enflammer les stades."
Antoine, vice-président de Koqà franceinfo: sport
Autres raisons avancées pour expliquer ce manque de retenue du public, l'avènement des réseaux sociaux. C'est en tout cas l'avis de Justine Hénin. "Il y a 20 ans, le public pouvait aussi être hostile, mais il y avait moins de débordements car il y avait une distance avec les athlètes." L'ancienne numéro un mondiale regrette la familiarité entre supporters et joueurs que génèrent ces nouveaux moyens de communication.
D'accord avec cette analyse, Arnaud Clément avance d'autres pistes, comme les matchs en nocturne "toujours plus électriques", ou la difficulté d'avoir des places qui "excite les heureux élus". Pour le Français, les joueurs ont aussi leur part de responsabilité : "David Goffin a chambré avec la main sur l'oreille. On voit se généraliser ce genre d'attitude chez les joueurs, ce qui envenime la situation. Personnellement, je n'aime pas trop ça". Même si Arnaud Clément comprend, au fond, ces réactions.
"Ce genre d'ambiance, ça ajoute une satisfaction personnelle, parce qu’on n’a pas joué à armes égales face à l'adversaire..."
Arnaud Clémentà franceinfo: sport
Ce qui est certain, c'est que le public de la porte d'Auteuil, longtemps réputé pour être connaisseur, devient de plus en plus chaud, ce qui ouvre malheureusement la porte à quelques incivilités. "Avant, c'était plutôt à Bercy qu'on pouvait voir ça", rappelle Arnaud Clément, qui perçoit dans ce chauvinisme de plus en plus palpable une façon de combler le vide laissé par la réforme de la Coupe Davis. Et le Tricolore de conclure : "Ces individus qui dépassent parfois un peu le cadre, c'est dommage, parce que ces ambiances sont belles pour les Français, et ceux qui dépassent le cadre n'apportent rien."
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