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Vidéo Le procès du Mediator va permettre "de voir la faillite du monde médical et sa collusion avec les industriels", espère Irène Frachon

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Article rédigé par franceinfo
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La médecin à l'origine de l'affaire du Mediator était l'invitée de franceinfo lundi matin avant l'ouverture du procès. 

Le procès du Mediator, qui devrait durer jusqu’à fin avril 2020, s'est ouvert lundi 23 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris avec notamment l'examen de trois questions prioritaires de constitutionnalité déposées par les avocats du groupe Servier. Des "dernières cartouches complètement mouillées" a dénoncé lundi sur franceinfo le docteur Irène Frachon, à l'origine de la révélation de l'affaire, qui attend de voir, avec ce procès "la faillite des agences, des experts, du monde médical, son aveuglement, sa collusion avec les industriels".

franceinfo : Quel sentiment domine avant le procès, colère ou impatience ?

Irène Frachon : Ce sont d'abord beaucoup de pensées pour ces victimes. Je reçois des rafales de messages de ces victimes aujourd'hui. Ce qui est terrible, c'est qu'elles attendaient avec ferveur ce procès, parce que vivre sans justice est insupportable, mais en réalité elles sont malades tout le temps. Elles m'écrivent en me disant qu'elles ne vont pas pouvoir assister au procès car elles sont hospitalisées. Malheureusement, ce procès n'arrêtera rien du massacre du Mediator mais en revanche la justice pénale doit se prononcer sur des délits extrêmement lourds car les victimes ont eu le choc d'apprendre qu'elles avaient été sciemment empoisonnées.

Cela fait dix ans que le Mediator a été interdit. Pourquoi cela a-t-il été si long avant un procès ?

Ces délais sont dus aux manœuvres dilatoires de la défense des laboratoires Servier. Les juges d'instruction ont travaillé rapidement et de façon remarquable et avec des moyens considérables : trois juges d'instruction, un bataillon de gendarmes spécialisés. J'ai été époustouflée. En trois ans, l'ensemble des éléments rassemblés permettait de renvoyer Servier devant un tribunal correctionnel. Mais, avec des avocats virtuoses, ont commencé les multiples recours dilatoires, dont 14 appels en cassation, tous rejetés. Mais cela prend un temps infini et asphyxie la justice. Et c'est bien le but recherché.

Les avocats de Servier vont déposer plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Ils estiment notamment que certains faits sont prescrits.

Ils tirent leurs dernières cartouches mais elles sont complètement mouillées car ces arguments ont déjà été étudiés, contrairement à ce qu'ils disent.

De très nombreuses victimes ont renoncé à leur plainte après avoir touché des indemnités des laboratoires Servier. Est-ce que vous comprenez ces victimes ?

J’ai toujours conseillé aux victimes d'accepter les indemnisations lorsqu'elles étaient décentes et lorsqu'elles leur permettaient de survivre. Parce qu'en France, heureusement, cela ne veut pas dire que les poursuites s'arrêtent. Et je vous lis le message que je viens de recevoir sur mon téléphone : 'C'est à travers ton témoignage que les victimes déjà indemnisées et ne pouvant pas s'exprimer pourront se sentir représentées. Nous comptons tous sur toi.' Voilà le message de Martine.

Vous serez donc les yeux et les oreilles de ceux qui n'ont pas pu se déplacer lors de ce procès.

Oui mais je ne serai pas seule, heureusement. Les parties accusatoires sont nombreuses. Il y a de nombreux avocats. Il y a les caisses d'assurances maladie qui ont été escroquées. Il y a le parquet qui a rendu un réquisitoire absolument accablant. Cette fois-ci, on n'est plus seuls face à des menteurs.

Pendant des années, le Mediator a été présenté comme un antidiabétique, ce qui a permis qu'il ne soit pas interdit en France, or il servait surtout de coupe-faim. D'autres ont été interdits 12 ans avant le Mediator. On aurait pu éviter des dizaines de victimes ?

Des centaines et des centaines de victimes. Vous n'avez pas idée du nombre de victimes que cela a pu représenter. Le Mediator a pris le relais des autres coupe-faim amphétaminiques de Servier, interdits parce qu'ils étaient toxiques. Ce qui s'est passé est inimaginable. Et désormais, dans ce procès, il importe de voir la faillite des agences, des experts, du monde médical, son aveuglement, sa collusion avec les industriels. L'agence du médicament ne faisait pas remonter les informations. Elle les étouffait pour ne pas gêner Servier parce que le patron de l'agence, c'était Servier. Jacques Servier était l'instigateur d'une immense entreprise de pharmaco-délinquance.

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