"Après deux ans, on nous dit 'merci, au revoir'" : plus de 2 000 médecins étrangers risquent d'être licenciés faute de renouvellement de leur contrat
C'est une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Depuis le 1er janvier dernier, selon les syndicats, 2 000 à 3 000 médecins étrangers qui exercent dans des établissements français risquent d'être licenciés de leur poste faute de renouvellement de leur contrat. Ils ont été recrutés lors de l'état d'urgence sanitaire et assurent une offre de soin depuis ces dernières années dans des conditions précaires.
Sans leur présence, ce sont des services entiers dans certains établissements qui ne pourraient pas fonctionner. Une pétition signée par plus de 19 000 personnes demande leur réintégration. Une intersyndicale appelle à une manifestation jeudi 18 janvier devant le ministère de la Santé, après avoir déposé un préavis de grève mercredi.
On appelle ces médecins les "Padhue", l'acronyme pour "Praticiens à diplôme hors Union européenne". Ces médecins, selon plusieurs syndicats hospitaliers, représentent un quart des praticiens exerçant aujourd'hui à l'hôpital. Ils n'ont pas le statut de titulaires et ont un salaire inférieur. Depuis un an, pour continuer d'exercer et obtenir le statut de "praticien associé", mieux rémunéré, ces médecins étrangers doivent passer un concours appelé "EVC" pour "épreuves de vérification des connaissances".
Mais beaucoup ont échoué à ce concours et se sont retrouvés sans contrat en décembre. C'est le cas de Sarah, qui exerce comme oncologue en Picardie. La trentenaire est arrivée en France en 2019 depuis le Maroc. "Qui dit fin de contrat dit pas droit au titre de séjour avec un risque d'OQTF [Obligation de quitter le territoire], explique-t-elle. C'est une situation précaire, on ne prend pas en compte nos stages, ni nos pratiques, ni le temps passé à l'hôpital et ce qu'on a donné à l'hôpital et après deux ans, on nous dit 'merci, au revoir'," regrette Sarah.
Kader exerce, lui, comme diabétologue en région parisienne. Il s'est formé dans sa spécialité. Son contrat se termine jeudi. Il n'a pas non plus réussi le concours, faute de temps pour le réviser. Il travaille entre 50 et 70 heures par semaine pour un peu plus de 2 000 euros par mois. "En travaillant 60 à 70 heures par semaine, c'est impossible de préparer le concours, justifie-t-il, il faut le revoir pour les générations à venir et il faut complètement l'abandonner pour les gens qui sont sur le terrain", réclame Kader. Contrat ou pas, le médecin va continuer d'exercer, dit-il, pour ne pas abandonner son collègue dans la même situation que lui. Le service repose sur eux.
Selon les syndicats, ce sont des professionnels à part entière
Le docteur Cyril Venet, anesthésiste au CHU de Grenoble, qui représente les médecins hospitaliers à Force ouvrière, demande la réintégration de ces médecins dans les services et la fin des OQTF pour les professions médicales. Pour lui, il faut prendre en compte leur expérience professionnelle plutôt que tout baser sur un concours.
"Sans eux, on va fermer encore un peu plus de lits, il y aura encore un peu plus de lignes de garde non pourvues et encore un peu plus de patientèle en souffrance de consultation."
Le Dr Cyril Venetà franceinfo
Maxime Morin, secrétaire général à la CFDT pour les cadres et directeurs d'hôpitaux, estime, lui, que le problème, ce ne sont pas les EVC en tant que telles, mais plutôt le moment où ces épreuves interviennent dans le parcours de ces soignants exerçant en France. "Oui, il faudrait que l'EVC soit la seule porte d'entrée. Ça, c'est la formule qui était attendue et qui me paraît la plus respectueuse de gens à qui on dit : 'Vous voulez venir travailler en France passer le concours ? Si vous êtes reconnus, vous viendrez'. Et effectivement, il ne faut pas qu'il y ait des gens qui soient déjà en train de travailler, à qui on fasse miroiter ça. Car évidemment s'ils sont en échec, ils sont censés arrêter. Repartir ou pas, mais en tout cas arrêter d'exercer leur métier."
Aujourd'hui, le seul espoir pour ces médecins étrangers est de s'engager à repasser le concours avec la possibilité d'un exercice provisoire de treize mois supplémentaires. Soit encore plus de précarité, répondent les concernés. Sachant que le décret de la toute nouvelle loi qui l'autorise n'a toujours pas été publié.
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