Cancer : oncologues et chercheurs appellent à une production publique des traitements innovants, pour en réduire le coût
Près de 40 000 oncologues venus du monde entier se retrouvent vendredi 31 mai à Chicago au congrès de l'Asco (l'American Society Of Clinical Oncology). Pendant cinq jours, ils vont évoquer les traitements innovants contre les cancers, alors que l'OMS prévoit une augmentation de 77% des cas dans le monde d’ici 2050 et que plus de 400 000 nouveaux cas de cancer ont été dépistés en France l'an dernier.
Parmi ces traitements innovants, les thérapies géniques et cellulaires : elles font des miracles contre les cancers du sang mais coûtent très cher. D'où l'idée d'une production publique pour rendre ces médicaments plus abordables.
Ce sont de redoutables tueuses de tumeur et on les appelle les CAR-T cells. Il s'agit de globules blancs prélevés chez le patient, puis modifiés génétiquement en laboratoire où leur ADN est reprogrammé pour repérer et tuer les cellules cancéreuses. Ces CAR-T cells sont ensuite réinjectées dans le corps du patient, cela fonctionne très bien contre les cancers du sang.
300 000 euros la perfusion
Le problème est que cela coûte très cher. L'hématologue François Guilhot a fait les comptes dans un rapport de l'Académie de Médecine. "On estime qu'il y a un peu plus de 1 000 patients par an qui sont traités par les CAR-T cells, 300 000 euros en moyenne la perfusion. On imagine ce que cela va coûter à l'Etat français", détaille-t-il. L'État aurait déjà dépensé 1,2 milliard d'euros pour acheter des CAR-T cells à l'industrie pharmaceutique, mais le jeu en vaut la chandelle puisque ces nouvelles thérapies permettent de sauver des patients pour qui il n'existe aucun autre traitement. L'idée serait donc de fabriquer ces CAR-T cells dans le domaine public.
En France, plusieurs équipes de chercheurs sont sur le pied de guerre à Paris, Lille et Besançon, au sein de l'Etablissement français du sang. Deux scientifiques, Christophe Ferrand et Marina Deschamps, ont dû monter une start-up pour récolter des fonds. Ils espèrent lancer bientôt un essai clinique pour tester leur traitement contre la leucémie aiguë myéloïde. "On a beaucoup de retard en France. On a zéro CAR-T cell issue de la recherche académique française qui a été en essai clinique de phase 1. La nôtre sera la première. On n'arrive pas à franchir ce que l'on appelle 'la vallée de la mort' : passer de la recherche académique à l'essai clinique et la commercialisation éventuelle", explique Christophe Ferrand.
"Nous, on n'y arrive pas, pas parce que l'on n’est pas bons ! C'est juste parce qu'il n'y a pas la prise de risque dans l'investissement."
Marina Deschampsà franceinfo
"Au niveau de l'Etat et des structures publiques il n'y a pas cette prise de risque, on ne peut pas investir si on n'est pas sûr que ça va marcher. Sauf que l'on a envie de leur dire que l'on est dans de l'innovation ! Si on sait que ça marche, c'est que ça n'est plus de l'innovation, c'est que ça a été testé avant", complète Marina Deschamps.
Des CAR-T cells publiques en Espagne
En France il y a un autre obstacle : les hôpitaux publics n'ont pas le droit de produire un médicament pour le vendre. Ce n'est pas le cas en Espagne, où Julio Delgado a réussi à fabriquer des CAR-T cells 100% publiques à un prix imbattable : 90 000 euros l'injection, soit presque quatre fois moins cher que celles des laboratoires privés. Sa recette : il a d'abord recopié un traitement qui existait déjà mais sans avoir à payer des commerciaux, de la publicité et des actionnaires comme le font les industriels.
"On a dû changer notre mentalité. Notre but ce n'était pas d'améliorer un traitement ou d'innover, mais plutôt de recopier ce que font les compagnies pharmaceutiques."
Julio Delgado, chercheur espagnolà franceinfo
"On a eu de la chance d'avoir notre propre anticorps monoclonal pour fabriquer nos CAR-T cells et personne ne pouvait venir nous demander des royalties pour un brevet", explique Julio Delgado. Maintenant que son médicament est approuvé en Espagne et qu'il soigne des milliers de personnes, le chercheur espagnol s'est lancé dans l'innovation : il veut mettre au point des CAR-T cells pour lutter contre le cancer du sein. C'est la prochaine révolution : utiliser cette thérapie génique et cellulaire contre les cancers solides et les maladies auto-immunes.
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