Cancer : oncologues et chercheurs appellent à une production publique des traitements innovants, pour en réduire le coût

Les thérapies géniques et cellulaires sont trÚs efficaces contre les cancers du sang mais sont hors de prix. Des scientifiques cherchent donc à réaliser une production publique, pour rendre le coût de ces traitements plus soutenable.
Article rédigé par Anne-Laure Dagnet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Un technicien de laboratoire travaillant sur la recherche de nouveaux CAR-T cells, le 23 septembre 2021. (THOMAS COEX / AFP)

PrĂšs de 40 000 oncologues venus du monde entier se retrouvent vendredi 31 mai Ă  Chicago au congrĂšs de l'Asco (l'American Society Of Clinical Oncology). Pendant cinq jours, ils vont Ă©voquer les traitements innovants contre les cancers, alors que l'OMS prĂ©voit une augmentation de 77% des cas dans le monde d’ici 2050 et que plus de 400 000 nouveaux cas de cancer ont Ă©tĂ© dĂ©pistĂ©s en France l'an dernier.

Parmi ces traitements innovants, les thĂ©rapies gĂ©niques et cellulaires : elles font des miracles contre les cancers du sang mais coĂ»tent trĂšs cher. D'oĂč l'idĂ©e d'une production publique pour rendre ces mĂ©dicaments plus abordables.

Ce sont de redoutables tueuses de tumeur et on les appelle les CAR-T cells. Il s'agit de globules blancs prĂ©levĂ©s chez le patient, puis modifiĂ©s gĂ©nĂ©tiquement en laboratoire oĂč leur ADN est reprogrammĂ© pour repĂ©rer et tuer les cellules cancĂ©reuses. Ces CAR-T cells sont ensuite rĂ©injectĂ©es dans le corps du patient, cela fonctionne trĂšs bien contre les cancers du sang.

300 000 euros la perfusion

Le problĂšme est que cela coĂ»te trĂšs cher. L'hĂ©matologue François Guilhot a fait les comptes dans un rapport de l'AcadĂ©mie de MĂ©decine. "On estime qu'il y a un peu plus de 1 000 patients par an qui sont traitĂ©s par les CAR-T cells, 300 000 euros en moyenne la perfusion. On imagine ce que cela va coĂ»ter Ă  l'Etat français", dĂ©taille-t-il. L'État aurait dĂ©jĂ  dĂ©pensĂ© 1,2 milliard d'euros pour acheter des CAR-T cells Ă  l'industrie pharmaceutique, mais le jeu en vaut la chandelle puisque ces nouvelles thĂ©rapies permettent de sauver des patients pour qui il n'existe aucun autre traitement. L'idĂ©e serait donc de fabriquer ces CAR-T cells dans le domaine public.

En France, plusieurs équipes de chercheurs sont sur le pied de guerre à Paris, Lille et Besançon, au sein de l'Etablissement français du sang. Deux scientifiques, Christophe Ferrand et Marina Deschamps, ont dû monter une start-up pour récolter des fonds. Ils espÚrent lancer bientÎt un essai clinique pour tester leur traitement contre la leucémie aiguë myéloïde. "On a beaucoup de retard en France. On a zéro CAR-T cell issue de la recherche académique française qui a été en essai clinique de phase 1. La nÎtre sera la premiÚre. On n'arrive pas à franchir ce que l'on appelle 'la vallée de la mort' : passer de la recherche académique à l'essai clinique et la commercialisation éventuelle", explique Christophe Ferrand. 

"Nous, on n'y arrive pas, pas parce que l'on n’est pas bons ! C'est juste parce qu'il n'y a pas la prise de risque dans l'investissement."

Marina Deschamps

Ă  franceinfo

"Au niveau de l'Etat et des structures publiques il n'y a pas cette prise de risque, on ne peut pas investir si on n'est pas sûr que ça va marcher. Sauf que l'on a envie de leur dire que l'on est dans de l'innovation ! Si on sait que ça marche, c'est que ça n'est plus de l'innovation, c'est que ça a été testé avant", complÚte Marina Deschamps.

Des CAR-T cells publiques en Espagne

En France il y a un autre obstacle : les hĂŽpitaux publics n'ont pas le droit de produire un mĂ©dicament pour le vendre. Ce n'est pas le cas en Espagne, oĂč Julio Delgado a rĂ©ussi Ă  fabriquer des CAR-T cells 100% publiques Ă  un prix imbattable : 90 000 euros l'injection, soit presque quatre fois moins cher que celles des laboratoires privĂ©s. Sa recette : il a d'abord recopiĂ© un traitement qui existait dĂ©jĂ  mais sans avoir Ă  payer des commerciaux, de la publicitĂ© et des actionnaires comme le font les industriels.

"On a dû changer notre mentalité. Notre but ce n'était pas d'améliorer un traitement ou d'innover, mais plutÎt de recopier ce que font les compagnies pharmaceutiques."

Julio Delgado, chercheur espagnol

Ă  franceinfo

"On a eu de la chance d'avoir notre propre anticorps monoclonal pour fabriquer nos CAR-T cells et personne ne pouvait venir nous demander des royalties pour un brevet", explique Julio Delgado.  Maintenant que son médicament est approuvé en Espagne et qu'il soigne des milliers de personnes, le chercheur espagnol s'est lancé dans l'innovation : il veut mettre au point des CAR-T cells pour lutter contre le cancer du sein. C'est la prochaine révolution : utiliser cette thérapie génique et cellulaire contre les cancers solides et les maladies auto-immunes.

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