Comment les députés ont mis de l'eau dans la loi Evin en quatre actes
Contre l'avis du gouvernement, les parlementaires ont refusé, jeudi en commission, de modifier un amendement à la loi Macron proposé par le sénateur de Gironde. Une initiatitive qui assouplirait les règles encadrant la publicité pour l'alcool.
Marisol Touraine ne décolère pas. Contre l'avis du gouvernement, les parlementaires ont refusé, en commission, dans la nuit de mercredi à jeudi 11 juin, de modifier un amendement à la loi Macron, proposé par le sénateur de Gironde, qui assouplirait la loi Evin, datant de 1991. Une évolution de la loi que regrette profondément la ministre de la Santé. Retour sur les évènements qui ont permis de modifier les règles encadrant la publicité pour l'alcool.
Acte 1 : le sénateur de Gironde propose un amendement à la loi Macron
Début mai, dans le cadre d'une loi Macron décidément pleine de surprises, le sénateur de Gironde, Gérard César, propose de mieux distinguer la publicité de l'information. Et ainsi permettre aux médias de parler plus librement de vin sans risquer d'être poursuivis. Un impératif, selon lui, tant les contours juridiques seraient flous en matière de presse. "Toute évocation du vin, par exemple, dans un contenu journalistique, culturel, artistique, de divertissement ou encore œnotouristique peut être désormais condamnée", explique l'objet de l'amendement, adopté le 6 mai par la chambre haute de l'Assemblée.
Comme le révèle notre enquête, cet amendement est fortement influencé par les lobbies du vin. Coïncidence ? Pas vraiment. Gérard César connaît bien le groupe d'intérêt viticole, dont il a signé le manifeste. "L'amendement a été réalisé par mes collaborateurs et en partenariat avec les organisations viticoles", admet d'ailleurs le sénateur à francetv info.
Acte 2 : Claude Evin s'inquiète de cette initiative (et le gouvernement avec)
Mardi 8 juin, l'ancien ministre de la Santé Claude Evin accorde un entretien au Parisien, dans lequel il confie son inquiétude face à cette initiative. "Même s'il semble technique, cet amendement libérera de facto la possibilité de faire de la publicité en faveur de l'alcool, et ce quasiment sans limite. On pourra faire n'importe quoi en matière de pub", s'inquiète-t-il. Et de conclure : "Ce sera la fin de la loi Evin, adoptée voilà vingt-cinq ans."
Dans la foulée, le gouvernement est monté au front pour défendre la loi. La ministre de la Santé Marisol Touraine, puis Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement, s'expriment tour à tour pour demander le statu quo concernant les règles encadrant la publicité pour l'alcool.
Acte 3 : contre l'avis du gouvernement, les députés votent pour
Lors de l'examen en commission du projet de loi Macron, les députés ont modifié la loi Evin, en refusant de revenir sur un amendement du Sénat distinguant information et publicité sur l'alcool. Le gouvernement avait pourtant demandé la suppression de cet amendement du sénateur Gérard César.
Pas de quoi effrayer l'ensemble du groupe viticulture de l'Assemblée nationale, qui a appuyé à cet amendement. Sa présidente, la députée socialiste et viticultrice Catherine Quéré (Charente-Maritime), a, par exemple, appelé "en conscience et en responsabilité" à soutenir ce texte, au motif qu'"il garantit un cadre clair pour la survie de notre viticulture, pour le développement des projets œnotouristiques locaux". Le député PS de la Gironde, Gilles Savary, avait dénoncé, mardi 8 juin, quant à lui la "surréaction du lobby hygiéniste".
Acte 4 : Marisol Touraine regrette un "coup porté à la santé publique"
"Le vote de cette nuit est un coup dur porté à la santé publique. Je regrette que la loi Macron serve à détricoter la loi Evin", a réagi la ministre de la Santé, jeudi 11 juin. Marisol Touraine espère toutefois que "la suite du débat parlementaire permette de rétablir la loi Evin".
La ministre a répété les mérites de cette loi, "qui permet depuis trente ans d'encadrer, et non pas d'interdire, la publicité pour l'alcool". "Cet équilibre entre les intérêts de santé publique et les intérêts économiques fonctionnait bien. Il ne fallait pas y toucher", estime-t-elle, en évoquant les "50 000 personnes qui meurent chaque année des conséquences d'une consommation excessive d'alcool".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.