Débat sur la vaccination obligatoire : "Il est inacceptable que des enfants perdent la vie à cause d'une maladie que l'on peut prévenir"
La ministre de la Santé propose de rendre obligatoires 11 vaccins infantiles. Christophe Delacourt, président de la Société française de pédiatrie, répond aux questions de franceinfo sur ce projet.
La ministre de la Santé réfléchit "à rendre obligatoires, pour une durée limitée, les 11 vaccins destinés aux enfants". Agnès Buzyn estime, dans un entretien au Parisien, vendredi 16 juin, que la "baisse de la couverture vaccinale" en France "pose un vrai problème de santé publique". Est-il nécessaire de rendre davantage de vaccins obligatoires pour les nourrissons ? Observe-t-on une recrudescence des maladies infantiles dans l'Hexagone ? Franceinfo a interrogé le professeur Christophe Delacourt, spécialisé en pneumologie pédiatrique à l'hôpital Necker à Paris et président de la Société française de pédiatrie.
Franceinfo : Assiste-t-on ces dernières années à une recrudescence de certaines maladies infantiles ?
Christophe Delacourt : On voit aujourd'hui des cas de coqueluche ou de tétanos chez l'enfant, ce que l'on avait plus observé depuis des décennies. La rougeole est également en recrudescence, qui peut avoir de graves séquelles neurologiques. La ministre de la Santé indique en outre que huit enfants sont morts des conséquences de cette maladie depuis 2008.
Il est inacceptable aujourd'hui, en France, que des enfants perdent la vie, ou souffrent de séquelles neurologiques causant un handicap, à cause d'une maladie que l'on peut prévenir. Pour rappel, l'Unicef estime qu'un tiers des morts infantiles au niveau mondial pourraient être évitées grâce aux vaccins.
Pourquoi la couverture vaccinale a-t-elle baissé ces dernières années ?
Il y a une défiance croissante vis-à-vis des vaccins dans certains pays européens, en particulier en France. Ce phénomène est difficile à quantifier, mais l'ensemble des pédiatres et de nombreux généralistes disent être confrontés à une difficulté croissante à effectuer les vaccins. Les parents s'interrogent sur l'intérêt, l'efficacité, les effets secondaires de ces traitements. C'est bien sûr normal, mais il n'y a pas autant de discussions lorsqu'il s'agit de prescrire des antibiotiques ou d'autres médicaments à leurs enfants.
Il existe donc un certain degré de réticence, qui a entraîné une sous-vaccination des enfants contre des maladies potentiellement fréquentes et potentiellement dangereuses. Au-delà de l'impact individuel sur la santé de ces nourrissons, l'insuffisance de la couverture vaccinale représente un risque pour la santé publique. On favorise la circulation du virus en exposant d'autres personnes. Certaines, qui ne sont pas suffisamment protégées par les vaccins ou n'en ont jamais reçus, vont tomber malades. On crée donc les conditions pour une épidémie, ce qui est le cas actuellement pour la rougeole.
D'où vient cette réticence des parents à faire vacciner leurs enfants ?
Le cas du vaccin contre l'hépatite B, accusé pendant des années d'avoir des effets secondaires graves comme la sclérose en plaques, a créé une inquiétude. Mais au bout de dix-sept ans d'atermoiements, aucune étude épidémiologique n'a pu mettre en évidence de lien entre ce produit et ces pathologies graves.
Ce vaccin n'induit pas d'effets secondaires significatifs, surtout chez le nourrisson. Le nombre de cancers du foie liés à l'hépatite B est en revanche important. Comment expliquer à de jeunes adultes qu'ils auraient pu être épargnés s'ils avaient été vaccinés ? Les 10 autres vaccins dont parle la ministre de la Santé ne présentent pas non plus de risques significatifs pour la santé des enfants.
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, propose de rendre 11 vaccins obligatoires pour les nourrissons, contre trois actuellement. Cette mesure est-elle nécessaire ?
Cette proposition reprend les recommandations du comité de "concertation citoyenne" sur la vaccination qui s'est tenue en décembre. Ce comité a fait le constat que la couverture vaccinale en France est insuffisante pour certains vaccins essentiels, comme celui contre la rougeole. La situation actuelle est en effet ambiguë pour les parents : on leur propose des vaccins obligatoires et d'autres fortement recommandés. Tous répondent pourtant à la même nécessité de santé publique.
Pour éviter une telle confusion, il faut mettre tous ces vaccins sur le même plan. On pourrait décider qu'aucun n'est obligatoire mais, dans le climat actuel de méfiance contre les vaccins, ce serait une grave prise de risque en matière de santé publique. La proposition du comité, et aujourd'hui de la ministre, est donc d'imposer la vaccination contre toutes ces maladies.
Nous sommes ici dans une démarche préventive. Il est absolument formidable de pouvoir empêcher certaines maladies et leurs séquelles ! D'autant plus que le nombre de pathologies que l'on peut prévenir est limité. Le vaccin a révolutionné la médecine, en permettant de réduire massivement la mortalité infantile. En tant que pédiatre, on ne peut qu'être d'accord avec une mesure qui permettrait de mieux protéger les enfants contre ces virus.
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