Prise en charge des AVC : l'intérieur d'un vaisseau sanguin du cerveau filmé pour la première fois à l'aide d'une caméra
"C'est un peu comme découvrir une nouvelle planète". Robert Fahed, neuroradiologue d'intervention et neurologue à l'hôpital d'Ottawa, au Canada, a pu réaliser un diagnostic sur un patient victime d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) à répétition, en introduisant une caméra dans les vaisseaux sanguins de son cerveau, le 14 novembre 2023. "Jamais personne n'avait vu l'intérieur des artères du cerveau", souligne le médecin. Une première mondiale prometteuse, alors que les AVC représentaient la deuxième cause de mortalité dans le monde en 2019, selon l'Organisation mondiale de la santé.
Le patient canadien, âgé d'une cinquantaine d'années, souffrait d'une malformation rare de la carotide, l'une des artères qui amènent le sang au cerveau. Cela entraînait la formation de petits caillots qui provoquaient ces AVC. Cette découverte a été faite grâce à l'introduction de cette caméra dans le réseau sanguin du patient. "Ça nous a permis de comprendre qu'il avait besoin d'un stent [un dispositif métallique en forme de tube permettant de maintenir ouverte une artère rétrécie ou obstruée]. On a pu mettre le stent, et le patient est sorti le jour même. Il va très bien", se réjouit Robert Fahed auprès de franceinfo. L'intervention s'est faite avec le consentement du patient et l'aval des autorités sanitaires canadiennes.
Des caméras sont déjà utilisées en médecine pour examiner l'intérieur des poumons, du côlon ou de l'estomac. "Ce sont des organes beaucoup plus gros, beaucoup plus solides et beaucoup moins fragiles que le cerveau. Celui-ci a des artères extrêmement petites, tortueuses et fragiles", souligne Robert Fahed. La caméra canadienne a, elle, été conçue spécifiquement pour les artères cérébrales. "Elle est extrêmement solide, et tellement souple que quand elle cogne une artère, elle se tord. Elle ne l'abîme pas", relève le neuroradiologue. Depuis un siècle, les médecins avaient seulement recours à l'angiographie, une technique invasive nécessitant l'injection d'un produit de contraste dans les artères, lors d'une imagerie par rayons X, afin de modéliser les artères cérébrales.
Une caméra imaginée pour guider les opérations
A peine plus fin qu'un cheveu – son diamètre mesure le tiers d'un millimètre – souple et flexible, le microangioscope utilise la technologie de la fibre optique. Elle peut naviguer au sein des artères du cerveau d'un patient vivant et permet de "voir l'intérieur des vaisseaux en direct, soit pour observer ce qui s'y passe, soit pour observer les interactions avec les outils que nous utilisons, comme l'usage d'un filet pour attraper le caillot", explique Robert Fahed. Le médecin a d'ailleurs filmé cette séquence.
Le neuroradiologue envisage d'utiliser cette caméra non seulement comme outil de diagnostic mais aussi comme guide visuel lors des opérations consistant à retirer les caillots obstruant les artères des patients victimes d'AVC. Robert Fahed espère que ce nouvel outil permettra de faire baisser la mortalité liée aux AVC. En France, l'Inserm dénombre plus de 140 000 nouveaux cas d'AVC chaque année, soit un toutes les quatre minutes. Deux victimes d'AVC sur 10 meurent dans l'année qui suit leur accident et quatre sur 10 gardent des séquelles importantes.
Au-delà des AVC, d'autres usages envisagés
Robert Fahed imagine aussi d'autres applications pour cette technologie. "Nous pourrons observer les anévrismes, les hémorragies, les infections, les malformations, les maladies auto-immunes et auto-inflammatoires des vaisseaux", énumère-t-il. A eux seuls, les anévrismes, dilatations anormales de la paroi d'une artère créant une poche de sang pouvant se fissurer, sont responsables d'environ 10% des AVC. "Maintenant, on va peut-être pouvoir observer en direct ce qui génère ces anévrismes et optimiser notre capacité à les refermer de manière pérenne et permanente", anticipe le médecin.
"Au Canada, un certain nombre de patients ont déjà commencé à bénéficier de cette technologie, précise à franceinfo Michael Phillips, co-fondateur et PDG de la start-up canadienne Vena Medical, qui a conçu la caméra. "Nous travaillons à l'obtention d'autorisations réglementaires supplémentaires qui nous permettraient de traiter davantage de dossiers partout dans le monde, y compris en France." A Paris, l'Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild a prévu de tester ce nouveau dispositif médical courant 2024.
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