Dopage : trois questions sur la possible autorisation du cannabis par l'Agence mondiale antidopage
L'Agence mondiale antidopage pourrait supprimer le cannabis de sa liste des substances interdites.
Quelques mois après la suspension de la sprinteuse américaine Sha'Carri Richardson pour consommation de cannabis, l'Agence mondiale antidopage (AMA) a annoncé, mardi 14 septembre, qu'elle allait réexaminer l'interdiction de cette substance. Ces dernières années, le seuil de détection de la positivité au cannabis a déjà été relevé et les sanctions sont parfois allégées pour des consommations récréatives. Franceinfo: sport répond à trois questions sur la possible autorisation du cannabis par l'AMA.
Que risquent aujourd'hui les sportifs contrôlés positifs au cannabis ?
Un sportif dont l'analyse d'un échantillon révèle la consommation de cannabis encourt deux ans de suspension. "Mais depuis cette année, cette durée peut être ramenée à trois mois quand la substance a été consommée dans un but récréatif, dans une période hors des compétitions et sans relation avec la performance. La sanction peut même être diminuée à un mois, comme pour Sha'Carri Richardson, si l'athlète montre qu'il ou elle suit un traitement contre l'addiction", explique Jérémy Roubin. L'athlète américaine a ainsi manqué les Jeux olympiques de Tokyo durant l'été en raison de sa suspension.
En 2020, l'AFLD a poursuivi seulement deux athlètes pour consommation de cannabis. Un faible taux qui s'explique par un seuil de détection élevé : "Il est désormais de 180 nanogrammes/ml, ce qui exclut toute forme de consommation passive. Si un sportif est contrôlé positif au cannabis, c'est que sa consommation est importante, régulière ou récente par rapport à une compétition", ajoute le secrétaire général de l'agence française.
Le cannabis peut-il améliorer les performances sportives ?
La communauté scientifique n'est pas d'accord sur le sujet : "Certains estiment qu'une consommation régulière, par des personnes qui ont dépassé l'effet endormant, accentue l'aggressivité et agit donc comme un produit dopant dans les sports de combat. D'autres défendent le fait que le cannabis agirait comme un anti-stress", note Jérémy Roubin, secrétaire général de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).
Pour d'autres, comme le docteur William Lowenstein, président de SOS Addictions, une révision de la liste des produits interdits par l'AMA "serait la bienvenue". Il estime que le cannabis ne possède pas de vertus dopantes : "En termes de concentration et d'amélioration des réflexes, c'est loin d'être idéal et ça n'a pas d'apport sur la réactivité ni sur la masse musculaire. Le seul bénéfice, ça peut être en termes de relaxation, dans certaines disciplines comme le tir".
Son interdiction n'a pas de fondement scientifique et on a l'impression qu'elle est davantage due à des questions morales et politiques
Docteur William Lowensteinà franceinfo
Selon le président de SOS Addictions, au niveau cardiaque, il y a aussi plus d'inconvénients que d'améliorations de la fréquence cardiaque ou de la pression artérielle. Pour le docteur Lowenstein, l'effet antalgique du cannabis est également beaucoup moins efficace que d'autres molécules comme les opioïdes : "Ce qui sera gagné sur l'atténuation de la douleur sera perdu dans la concentration et les réflexes. Je ne vois pas dans quel sport la perte de réactivité pourrait être une bonne chose".
Comment est révisée la liste des substances interdites par l'AMA ?
La liste des produits interdits par l'Agence mondiale antidopage est révisée chaque année, après une concertation avec l'ensemble des agences nationales antidopage. "Pour une telle question, le collège de l'AFLD va se réunir avant de prendre position. Cette procédure est longue, donc ça ne sera pas pour la liste de 2022 mais pour une liste ultérieure, pas avant 2023", estime Jérémy Roubin.
Mais même si le cannabis venait à ne plus être considéré comme une substance dopante, il ne serait pas légalisé pour autant en France : "Les deux débats sont distincts. Si l'AMA autorise le cannabis, on retomberait dans un débat purement national et d'un point de vue juridique je ne pense pas que la loi pourrait être modifiée pour permettre aux sportifs d'obtenir des dérogations", affirme le secrétaire général de l'AFLD.
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