Bébé secoué : une association demande l’abrogation des recommandations de la HAS
"Nourrissons arrachés à leur famille et placés en pouponnière, couples séparés pendant des années par des obligations de contrôle judiciaire, personnes incarcérées…" L’association Adikia regroupant des centaines de parents "faussement accusés" de maltraitance infantile et leur avocat Maître Grégoire Étrillard ont adressé le 2 décembre une longue lettre à la Haute Autorité de Santé (HAS). Leur objectif : demander à cette instance l’abrogation de ses recommandations sur le syndrome du bébé secoué. Ces textes pourraient en effet, selon l’association, être à l’origine de nombreuses erreurs médicales et judiciaires et de "la souffrance" de personnes "ultérieurement innocentées".
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Des recommandations "clé de voûte" de la chaîne pénale
Actuellement, le syndrome du bébé secoué est reconnu comme une forme grave de maltraitance infantile. Responsable de lésions cérébrales sévères, parfois fatales, ce syndrome survient lorsqu’un adulte secoue un bébé par exaspération ou épuisement face à des pleurs qu’il ne supporte plus.
Depuis 2011, les recommandations de la HAS constituent une base de diagnostic pour les professionnels de santé mais aussi une "clé de voûte de toute la chaîne pénale", rappelle Me Étrillard dans un communiqué, "du signalement aux expertises en passant par les interrogatoires de police". Mais ses recommandations, par manque d’impartialité et de rigueur scientifique, seraient à l’origine de nombreuses erreurs judiciaires.
Biais, erreurs scientifiques et omissions
Plus précisément, l’association Adikia et l’avocat pénaliste pointent du doigt la présence d'erreurs scientifiques et de biais, notamment parce qu'aucun membre du groupe de travail à l'origine de ses recommandations "n'est spécialisé en neurologie pédiatrique", avance l'avocat dans sa lettre à la HAS.
Par ailleurs, de "multiples causes médicales" des symptômes de ce syndrome ne sont pas mentionnées, "alors même que certaines ont une incidence majeure sur les faux diagnostics de maltraitance". C'est notamment le cas de plusieurs diagnostics différentiels, qui pourraient pourtant expliquer les symptômes, comme par exemple "le syndrome d’Ehlers-Danlos" ou "des maladies génétiques affectant le collagène" qui ne sont "pas évoqués" dans les recommandations, déplore Me Étrillard.
Une "irruption" de la HAS dans le processus judiciaire
Autre critique : le diagnostic de syndrome du bébé secoué fait l’objet d’une "vive controverse scientifique et médico-légale dans le monde", rappelle Me Étrillard. Pourtant, "les recommandations n'en font aucunement état, donnant l'impression aux magistrats que la « certitude » qui y est affichée est scientifiquement irréfutable".
Enfin, l'association et son avocat constatent que ces recommandations s’inscrivent plus "dans une démarche de constitution d'un dossier pénal" que dans une démarche de soins, ce qui constitue selon eux une "irruption de la Haute Autorité de Santé comme acteur majeur dans le processus judiciaire, ce qui ne relève ni de sa mission, ni de son expertise".
"Mettre un terme à tous ces désastres humains"
Affirmant donc que "l'indispensable principe de la protection de l'enfance ne doit pas se faire au prix d'approximations et d'affirmations péremptoires qui peuvent donner lieu à des poursuites injustifiées et des placements abusifs d'enfants", l’association Adikia et son avocat exigent donc une abrogation des recommandations de la HAS "pour mettre un terme à tous ces désastres humains". En cas de refus de la HAS, Me Etrillard affirme qu’il portera l'affaire devant le Conseil d'Etat.
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