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Interdiction des néonicotinoïdes : "Ce serait une folie de continuer d'en utiliser", assure Générations Futures

L'association de défense de l'environnement appelle à "encourager des alternatives non chimiques" pour protéger les champs de betteraves contre les pucerons.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un producteur de betteraves à sucre à Pont-du-Château (Puy-de-Dôme), en novembre 2019, avant l'interdiction des néonicotinoïdes. (THIERRY ZOCCOLAN / AFP)

"Ce serait une folie de continuer d'utiliser" des néonicotinoïdes, affirme mercredi 8 février sur franceinfo François Veillerette, porte-parole de l'association de défense de l’environnement Générations Futures, alors que les agriculteurs manifestent à Paris pour protester contre les "contraintes" pesant sur l'agriculture, notamment les restrictions concernant l'usage des pesticides.

Le 23 janvier, le gouvernement a annoncé qu'il interdisait les néonicotinoïdes pour la culture de la betterave, après une décision de la Cour de justice de l'Union européenne jugeant illégale toute dérogation.

franceinfo : L'argument des agriculteurs qui manifestent ce matin, c'est d'expliquer que la France se tire une balle dans le pied par rapport à ses voisins européens sous la pression des écologistes. Que leur répondez-vous ?

François Veillerette : D'abord, ce ne sont pas les écologistes qui ont interdit cette dérogation, même si on aurait bien aimé pouvoir le faire. Mais c'est la justice européenne qui a précisé que la dérogation pour l'emploi sur les semences de betteraves enrobées de néonicotinoïdes était illégale. Donc on a donné des dérogations pendant les deux années précédentes qui étaient illégales et en donner une troisième aurait été illégale. C'est la justice qui s'exprime et la Cour européenne dit le droit, point.

La France est aujourd'hui le seul pays au monde à avoir interdit tous les néonicotinoïdes. Que vont pouvoir faire les agriculteurs confrontés à la jaunisse de la betterave ? Un tiers de leur récolte avait été détruite en 2020 à cause de la prolifération des pucerons vecteurs de la jaunisse

Les agriculteurs français avaient demandé une dérogation pour utiliser les deux plus dangereux, c'est-à-dire l'imidaclopride et le thiaméthoxame, qui sont interdits tous les deux en Europe. Peut-être que s'ils avaient demandé une dérogation pour d'autres produits non-interdits en Europe, ils n'auraient pas été sanctionnés par la Cour de justice de l'Union européenne. Ils ont été sans doute trop gourmands et aujourd'hui ils le payent. On leur avait signalé d'ailleurs qu'il y avait d'autres solutions, y compris non chimiques. Mais aujourd'hui, je ne vois pas comment on pourrait ne pas respecter le droit au niveau de l'agriculture française.

Mais ces solutions ne sont pas encore au point, selon les producteurs betteraviers…

Oui, mais je rappelle que l'Anses, qui est un organisme tout à fait officiel et sérieux, a dans plusieurs rapports rappelé qu'il y avait un certain nombre de solutions qui sont employables et efficaces. Bien sûr, les néonicotinoïdes, c'est l'arme atomique, ça va absolument tuer tous les insectes qui vont piquer la plante mais ce sont des produits qui sont absolument dangereux pour l'environnement et la santé.

La pollution de l'environnement est généralisée par ces produits. Il faut absolument arrêter parce que ça contribue de manière massive à l'appauvrissement de la biodiversité, notamment en milieu rural.

François Veillerette

à franceinfo

On parle dans certains endroits de perte de 50% à 70% de présence d'insectes, qui a un impact sur les oiseaux. Et je rappelle que l'agriculture dépend largement de la biodiversité. Ce serait donc une folie de continuer dans cette direction-là. Il y a des alternatives non chimiques qui sont en train d'être développées et qu'il faut encourager. Et dans l'attente, il faut aider les producteurs, éventuellement financièrement cette année et par la suite s'ils ont des années plus difficiles.

Est-ce que la filière betteravière française ne risque pas de disparaître quand d'autres pays comme l'Allemagne, la Pologne, l'Espagne, la République tchèque, la Finlande ou encore la Grande-Bretagne, eux, vont pouvoir utiliser au moins un néonicotinoïde cette année ? Quel est l'intérêt de l'interdire en France si c'est pour importer du sucre qui vient des betteraves étrangères ?

Il y a aussi des pays européens qui abandonnent volontairement la dérogation. C'est le cas de la Belgique qui est un pays produisant beaucoup de betteraves, avec des rendements élevés. Eux ont décidé d'abandonner volontairement leur dérogation cette année. Et puis après, il y a d'autres pays qui ont encore des dérogations et ne pourront pas utiliser ni l'imidaclopride, ni le thiaméthoxame mais qui utilisent des produits qui ne sont pas interdits au niveau européen. Mais ces pays utilisent ces produits en pulvérisations à des endroits bien précis.

En France, on a fait le choix des produits les plus toxiques de manière systématique, ce qui était le plus mauvais choix agronomique et une aberration puisque vous allez enrober les semences de betterave partout, même à des endroits où il n'y aura pas la moindre présence de pucerons du tout.

François Veillerette

à franceinfo

Les Allemands, par exemple, sont un peu plus malins que nous. Ils ont ciblé un produit qui n'est pas interdit au niveau européen et sous forme de pulvérisation juste aux endroits où il y en a besoin. On ne va cependant pas soutenir ce type de produits parce qu'ils restent dangereux. Mais ils sont tout de même moins toxiques que ceux choisis en France et surtout, ils sont employés de manière moins systématique et donc plus intelligente.

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