Les Vosges testent l'éco-prescription
Connaissez vous l'éco-prescription ? Le concept, relativement nouveau en France, reste peu connu des professionnels de santé et des patients. Il consiste à prescrire un médicament en tenant compte de son impact écologique et de la pollution environnementale que constitue son rejet dans l’environnement, notamment dans les cours d’eau. Un concept né en Suède, en 2008, lorsque le Stockholm County Council (agence régionale de santé) publie une liste des médicaments à risque en fonction de différents critères : durée de vie dans l’eau, caractère mutagène, observation des effets toxiques sur les espèces aquatiques…
En France, la question, relayée par différents travaux, a notamment fait l'objet en 2011 d'un plan national sur les résidus de médicaments dans l’eau.
Responsabilité environnementale des prescripteurs
Mais cette problématique ne doit pas rester l’apanage des sociétés savantes pour le docteur le Patrick Bastien, médecin généraliste à Gérardmer (Vosges).
Egalement président de l'Association pour l'optimisation de la qualité des soins (ASOQS), il estime que les professionnels de santé ont une responsabilité environnementale : "au-delà de la mission de soigner les patients, lorsque nous prescrivons - ou délivrons des médicament s’agissant des pharmaciens - nous avons un impact sur l’environnement des populations alentour. Un médicament est fabriqué pour interagir avec l’organisme d’un patient. Mais quand il n’est pas correctement recyclé, il se retrouve dans la nature son action ne s’arrête pour autant. Il interagit avec d’autres organismes vivants et perturbe l’écosystème", rappelle le médecin.
Or, si l’on sait encore peu de choses des répercutions des pollutions médicamenteuses sur l’homme, leur impact est visible sur certains micro-organismes comme les algues. "A l’instar des perturbateurs endocriniens que sont le bisphénol A ou les parabènes, nous ne sommes pas à l’abri d’un effet délétère à long terme pour l’homme de ce type de pollution", ajoute le Dr Bastien.
Projet au pays du Remiremont
Sensibilisé au problème de la pollution médicamenteuse des cours d’eau, le médecin lorrain est donc à l’initiative d’un projet dans sa région. Il s'agit de mesurer l’impact d’une substitution médicamenteuse sur une zone géographique donnée des Vosges : celle du pays du Remiremont.
Au milieu de ce territoire coulent deux rivières, la Moselle et la Moselotte, qui y prennent également leur source. "Un territoire bien délimité afin de déterminer l’impact précis des médicaments rejetés sans interférence avec d’autres sources de pollutions", précise le médecin.
Si les médicaments retenus pour l’expérimentation ne sont pas encore dévoilés, les critères de sélection sont précis. Les molécules test doivent ainsi répondre à trois critères : avoir un impact environnemental reconnu, être prescrites ou délivrées à de nombreuses personnes, et surtout être substituables par un autre médicament avec un impact écologique moindre, à efficacité équivalente. "Les classes des AINS et des antibiotiques comportent beaucoup de médicaments avec des impacts environnementaux différents. Ce sont donc de bons candidats tests pour des initiatives d’éco prescription", précise le médecin.
Le projet démarrera probablement à la fin de l’année 2015 et s’étalera sur 18 mois. Il devrait notamment compter sur la coopération d’une trentaine de pharmaciens et d’environ 70 médecins généralistes.
L'éco-prescription : une action collective
La mesure des indicateurs biologiques (des molécules traceuses) aura lieu le long des deux cours d’eau avant, pendant et après l’expérimentation. Une tâche qui devrait être confiée à l’Agence de l’eau de Rhin-Meuse et son comité scientifique.
Un second volet du projet aura également pour mission de restimuler la récupération des médicaments non utilisés. "Les usagers doivent prendre l’habitude, sauf avis médical contraire, de rapporter les médicaments non utilisés afin qu’ils soient pris en charge dans un circuit assurant une destruction sécurisée et adaptée comme le prévoient déjà les pouvoirs publics sans que cela ne soit toujours effectif", rappelle le Dr Bastien.
Si d’autres initiatives ont déjà mesuré l’impact de rejets d’eaux usées et potentiellement contaminées des hôpitaux sur l’environnement, c’est la première fois qu’une initiative de ce genre porte en France sur un territoire impliquant des soins primaires. "Le but n’est pas tant de démontrer l’existence de molécules pharmaceutiques actives dans les cours d’eau, ce que d’autres ont déjà fait avant nous, mais de voir si une stratégie de coopération entre les différents acteurs que sont les médecins généralistes, les pharmaciens, et les patients peut avoir un impact sur cette présence", conclut le Dr Bastien.
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