"Tout autour de l'usine, l'eau est polluée" : les Pays-Bas alertent la France sur les activités de Chemours, géant de la chimie implanté dans l'Oise

Article rédigé par Julie Pietri - Antoine Mouteau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le logo de l'entreprise Chemours, sur son siège à Washington (Etats-Unis), le 11 octobre 2021. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)
Dans une lettre adressée à la préfecture de l'Oise, deux vice-présidents du conseil provincial de Hollande-Méridionale alertent sur les activités potentiellement dangereuses de la multinationale. Et notamment sur les PFAS, les "polluants éternels".

La marque Teflon, par exemple, c'est eux. C'est une information qui, pour l'instant, reste sous les radars de l'actualité en France, malgré des articles dévoilés par la presse néerlandaise : deux vice-présidents du conseil provincial de Hollande-Méridionale, aux Pays-Bas, ont écrit une lettre de deux pages (document PDF) à la préfecture de l'Oise pour la mettre en garde contre l'entreprise Chemours. Ce géant de la chimie est visé par une enquête aux Pays-Bas pour pollution aux PFAS (substances perfluoroalkylées), des "polluants éternels", extrêmement résistants dans l'environnement. Il s'agit par exemple de composés chimiques qui servent à rendre les vêtements imperméables ou les poêles antiadhésives.

Et si les autorités néerlandaises ont contacté la préfecture de l'Oise, c'est parce que la multinationale, déjà implantée à Villers-Saint-Paul dans le département, veut s'agrandir, pour produire des membranes qui serviront à la production d'hydrogène. Si 80 nouveaux emplois sont à la clef, les Néerlandais appellent à la "prudence", d'autant que l'entreprise a déjà menti par le passé. 

Lies Van Aelst fait partie des lanceurs d'alerte. L'élue vit à moins de 30 kilomètres de l'usine de Chemours, à Dordrecht. "Chemours a une assez grande usine à Dordrecht et ils ont ici gravement pollué, dénonce-t-elle. Chemours rejette des polluants éternels., des composants chimiques qui ne disparaissent jamais de l'environnement. Tout autour de l'usine, l'eau est polluée."

"Les gens ne peuvent plus manger d'œufs ou boire du lait. Tout ça vient de Chemours."

Lies Van Aelst, élue et lanceuse d'alerte

à franceinfo

Aux Pays-Bas, une enquête criminelle est ouverte : 2 400 personnes ont déjà déposé un recours collectif. 

Aux États-Unis, DuPont (l'ancien nom de Chemours) a ainsi déjà été condamné. Un combat de 20 ans pour l'avocat Robert Bilott, qui a même fait l'objet d'un film : Dark Waters. "DuPont a nié, mais nous savons maintenant que ces substances sont une réelle menace pour l'environnement et la santé humaine, affirme l'avocat. Elles ont été associées à des maladies graves : cancers du rein, des testicules, ou taux élevé de cholestérol... Des milliards de dollars en coût médical à travers le monde."

Depuis, le PFOA (acide perfluorooctanoïque), la substance retrouvée aux États-Unis dans cette affaire, a été interdit en Europe. Mais Américains et Néerlandais alertent aussi sur un produit de remplacement vendu par Chemours, le GenX. Le groupe assure de son côté que chaque site est différent, que les substances produites dans l'Oise sont à faible risque. Et que sur les près de 200 millions de dollars investis pour agrandir l'usine, 50 serviront au traitement des rejets.

Mais François Veillerette, de l'ONG Générations futures, reste prudent. Il a déjà déposé une plainte contre X pour pollution. "On a fait des analyses au niveau de la plateforme chimique de Villers-Saint-Paul dans l'Oise et en aval, dans la rivière Oise, montrant la présence de nombreux PFAS, notamment les PFAS les plus préoccupants. Mais pas moyen de savoir exactement d'où ça vient, donc une plainte contre X s'imposait."

"On n'accuse pas, mais ça nous inquiète puisqu'une entreprise qui dysfonctionne à un endroit est susceptible de le faire à d'autres endroits."

François Veillerette, de l'ONG Générations futures

à franceinfo

Pour l'instant, les autorités françaises soutiennent l'agrandissement de Chemours. Il y a un an, le ministre de l'Industrie, Roland Lescure s'en est félicité.

La région Hauts-de-France finance d'ailleurs l'extension, avec le déblocage de 800 000 euros d'aide. Quant à la préfecture de l'Oise, elle n'a, selon les élus néerlandais, pas répondu au courrier de mise en garde, envoyé au mois de novembre.

Dans cette lettre, Frederik Zevenbergen et Meindert Stolk invitent aussi l'équipe de la préfecture à venir aux Pays-Bas pour un "échange d'expériences". Sollicitée, la préfecture de l'Oise n'a pas transmis de réponses à nos questions.

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