Epidémie de coqueluche : cinq questions sur la recrudescence des cas et les nouvelles recommandations de vaccination

Depuis janvier 2024, les cas de coqueluche se multiplient en France, si bien que le ministère de la Santé a chargé la Haute Autorité de santé de rendre un nouvel avis sur la nécessité de la vaccination.
Article rédigé par Léa Deseille
France Télévisions
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Temps de lecture : 6 min
La Haute Autorité de santé conseille désormais aux femmes enceintes de se vacciner contre la coqueluche. (DANIEL DORKO / HANS LUCAS / AFP)

Depuis le début de l'année 2024, la Haute Autorité de santé (HAS) alerte sur la recrudescence marquée des cas de coqueluche. Saisie par le ministère de la Santé, la HAS a publié, lundi 22 juillet, un communiqué mettant en garde sur la situation et appelant au renforcement des recommandations vaccinales pour protéger les nouveau-nés et les nourrissons. Quelles sont les nouveautés ? Comment savoir si l'on est concerné par la vaccination ? Franceinfo fait le point. 

1 Quelle est la situation en France ?

Dans ses nouvelles recommandations, la HAS évoque un "contexte épidémique préoccupant". Depuis début 2024, la France connaît "une forte augmentation du nombre de contaminations" et "au moins 17 décès, dont 12 chez des nourrissons âgés de 2 mois et moins", rappelle la HAS. 

Dans son bulletin du 28 juin, Santé publique France (SPF) comptabilise 14 866 tests PCR positifs sur 67 161 tests réalisés sur l'année, soit un taux de positivité de 22,1%, contre 3,7% en 2023. Entre janvier et mai 2024, le pourcentage de tests positifs a augmenté de 20,2 points. Par ailleurs, le réseau de recherche et de veille sanitaire Sentinelles a répertorié 78 cas, déclarés par les médecins généralistes et pédiatres, entre le 1er janvier et le 2 juin 2024, contre zéro sur la même période en 2023. De son côté, le réseau Renacoq, le réseau hospitalier qui surveille les cas, indique que 80 nourrissons de moins de 12 mois ont été hospitalisés depuis le début de l'année, dont 59 âgés de moins de 6 mois, contre 41 en 2023.

Une situation jugée "inédite" par Stéphane Paul, chef du service d'immunologie clinique au CHU de Saint-Etienne. "En France, les différents indicateurs de surveillance de la coqueluche confirment une situation épidémique installée sur le territoire", note par ailleurs SPF dans son bulletin. Il est néanmoins compliqué d'avoir une vision plus précise de la situation. "La coqueluche n'étant pas une maladie à déclaration obligatoire, ces chiffres pourraient même être plus élevés", explique l'agence à franceinfo.

2 Pourquoi est-ce que le nombre de cas explose ?

La coqueluche évolue par cycle de recrudescence tous les trois à cinq ans. Le dernier pic épidémique remonte à 2017-2018, selon le réseau hospitalier de surveillance de la coqueluche. Un autre pic était donc attendu en 2021-2022, mais d'après Santé publique France, le contexte exceptionnel et les mesures sanitaires en raison du Covid-19 ont "probablement réduit la transmission" de la maladie. 

D'après l'immunologue Stéphane Paul, la résurgence actuelle peut justement être liée aux gestes barrières appliqués pendant la pandémie. "A cette époque, il y avait très peu de cas de coqueluche, ce qui a joué sur la protection", assure-t-il à franceinfo. "Le système immunitaire a besoin d'être stimulé régulièrement pour être immunisé". La couverture vaccinale des femmes enceintes joue également un rôle, selon lui. "Elles se font moins vacciner, ce qui participe à la transmission et à la recrudescence de la maladie", estime Stéphane Paul. 

3 Comment savoir si j'ai la coqueluche ?

Cette infection bactérienne très contagieuse se caractérise surtout par des quintes de toux, plus fréquentes la nuit, surtout chez l'adolescent et l'adulte. L'infection respiratoire due à la bactérie Bordetella pertussis s'accompagne aussi d'un sifflement "évocateur", d'après l'immunologue. Le patient infecté ne présente pas de signe de fièvre.

Si ces symptômes disparaissent au bout d'une semaine, voire dix jours, chez les patients sans problème de santé, ils peuvent perdurer plus longtemps chez d'autres. "Les individus ayant un système immunitaire plus sensible peuvent avoir des symptômes pendant plusieurs mois", explique Stéphane Paul. Les personnes asthmatiques, âgées, sensibles aux infections pulmonaires et les très jeunes enfants sont donc particulièrement concernés. "La fonction pulmonaire peut se réduire, car les poumons sont abîmés par l'infection", rapporte-t-il. "Le risque ultime est donc la détresse respiratoire puis la mort"

A ce jour, aucun traitement curatif n'existe, mais il est possible d'améliorer la respiration grâce à certains médicaments. Par ailleurs, en cas d'infection longue durée, des antibiotiques sont prescrits. Pour identifier les cas de coqueluche, des tests salivaires et nasopharyngés sont pratiqués en laboratoire sous ordonnance. En cas de doute et si vous toussez depuis plus de quinze jours, consultez votre médecin traitant. 

4 Quel est le plan de vaccination ?

En France, la vaccination contre cette maladie est obligatoire pour les nourrissons à partir de 2 mois depuis 2018. La contamination se fait par des adultes, qui transmettent la maladie aux bébés trop jeunes pour être vaccinés. C'est pourquoi la population générale doit effectuer un rappel de vaccin à 11 mois, 6 ans, entre 11 et 13 ans, puis à 25 ans. Les professionnels de santé doivent, quant à eux, faire d'autres rappels à 25, 45 et 65 ans.

Afin de mieux endiguer l'épidémie de coqueluche, la HAS recommande, depuis 2022, aux femmes enceintes de se faire vacciner à partir du deuxième trimestre de la grossesse, et de préférence entre 20 et 36 semaines d'aménorrhée. Cette méthode est considérée comme la plus efficace par la HAS, grâce au transfert par le placenta "des anticorps maternels" vers le nourrisson. Plus largement, l'Assurance maladie encourage également les adultes ayant un projet parental à se faire vacciner contre la maladie.

En plus de ces directives, la HAS a ajouté des nouvelles recommandations le 22 juillet 2024. La Haute Autorité préconise la méthode du "cocooning", un anglicisme signifiant se reposer dans un confort douillet. Si une mère n'a pas effectué le vaccin pendant la grossesse, elle doit alors le faire avant de quitter la maternité, conseille l'instance. Dans ce scénario, le reste de l'entourage proche du nouveau-né reçoit également une dose de rappel si leur dernière injection date de plus de cinq ans.

Enfin, les professionnels en contact rapproché avec les nouveau-nés et nourrissons de moins de 6 mois doivent eux aussi se voir administrer un rappel vaccinal, si leur dernière injection date de plus de cinq ans. Ce rappel est également possible pour les autres professionnels de santé s'ils le souhaitent. 

5 Et chez nos voisins, ça se passe comment ?

"En dehors de nos frontières, l'Europe connaît actuellement une recrudescence de cas de coqueluche", prévient l'immunologue Stéphane Paul. C'est en effet ce que relève un rapport du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), publié début mai. Cette agence de l'Union européenne a dénombré 25 130 cas en 2023 et plus de 32 037 entre janvier et mars 2024. "Des chiffres similaires ont été observés en 2016 (41 026) et en 2019 (34 468)", indique le rapport. La situation actuelle semble donc s'approcher des précédents cycles de recrudescence de la maladie. En Europe, entre janvier 2023 à avril 2024, 19 décès ont été rapportés à l'ECDC.

Des épidémies importantes de coqueluche sont notamment enregistrées en Croatie, avec plus de 1 000 cas recensés depuis le début de l'année, contre quelques dizaines habituellement, selon les chiffres de l'institut national pour la santé publique croate. Des hausses significatives ont également été signalées au Danemark, au Royaume-Uni, en Belgique, en Espagne et en Allemagne, précise Santé publique France. 

Si l'épidémie semblait jusqu'alors limitée en Europe, celle-ci a traversé l'Atlantique. "Des données aux Etats-Unis montrent que les cas commencent à augmenter aussi", souligne Stéphane Paul. Dans un rapport publié fin juillet, l'Organisation panaméricaine de la santé a dénombré 7 251 cas de coqueluche entre janvier et juin 2024, ce qui correspond à une augmentation de 300% par rapport à la même période en 2023.

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