Hôpitaux, quand la vétusté s'accroît

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Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
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Alors que le savoir-faire des hôpitaux publics est envié à l’étranger, le taux de vétusté n’a jamais été aussi haut. Plus grave encore, la qualité des soins parfois se dégrade, jusqu’au sein des blocs opératoires. L’Œil du 20h vous explique.

A une trentaine de kilomètres de Paris, l’hôpital public d’Arpajon présente un taux de vétusté de près de 70%. Sous couvert d'anonymat, une infirmière qui travaille ici depuis plusieurs années nous montre l'état de la chambre d'un patient.

"Il y a tellement de choses, je ne fais plus attention"

une infirmière anonyme

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La vétusté, un risque pour les malades

Alors qu'un malade est alité, elle pointe la peinture qui se décolle sur les murs et au plafond. Plus loin, en pneumologie, des infiltrations qui viennent du toit génèrent des moisissures. Dans ce service pourtant, les malades sont particulièrement fragiles. Selon un médecin spécialiste de la lutte contre les infections à l'hôpital, ce n'est pas sans danger pour les patients.

"Le risque principal, c’est que des patients peuvent respirer un champignon issu des moisissures et ça peut provoquer une infection au niveau de leurs poumons."

Hervé Soule, médecin expert dans la lutte contre les infections à l'hôpital

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Mais pour la direction de l'hôpital, des travaux d’un montant de 30 millions sont en cours et tout est fait dans les règles.

Depuis plus de 10 ans, le taux de vétusté ne cesse de grimper en France, pour atteindre 80 % des équipements et plus de 55 % des bâtiments.

"Des enfants laissés dans le malheur", selon le personnel

Le vieil hôpital pédiatrique de Clocheville à Tours se voyait déjà flambant neuf, mais faute de budget suffisant, le déménagement n'est plus d’actualité et le vieux bâtiment va rester en service.10 millions d'euros de travaux sont programmés mais pour le personnel, on est loin du compte.

"On a très froid l'hiver, on est obligé de calfeutrer les fenêtres. L'été on met des couvertures de survie pour s'isoler du chaud. On a relevé 32 degrés dans les bâtiments."

une soignante anonyme

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Des locaux inadaptés qui, selon une autre soignante, elle aussi anonyme, ne permettent pas de prendre en charge convenablement les enfants et leurs familles.

"Il y a certaines chambres où il faut forcer pour rentrer les lits. On tape contre les encadrements, ça peut faire mal au dos des enfants. On leur fait mal involontairement à cause des locaux vétustes."

Une soignante anonyme

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Fatigués de se battre contre des locaux vétustes et du matériel inadapté, les soignants multiplient les arrêts maladie. En sous-effectif, ils disent notamment ne pas avoir le temps de venir consoler les enfants lorsqu'ils sont dans l'angoisse. Nous découvrons un petit garçon qui pleure tout seul dans sa chambre, accroché aux barreaux de son lit. Nous interpellons une infirmière.

"C’est triste à dire mais je l’ai occulté complètement. Je ne saurais pas vous dire depuis combien de temps il pleure. Malheureusement c’est aussi une façon de nous protéger. Ca nous brise le coeur."

Une soignante anonyme

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Des scènes malheureusement quotidiennes comme nous l'ont confirmé plusieurs infirmières et aides-soignantes. Sur ce point précis, nous sollicitons la direction.

"On peut vite, avec des enfants avoir le sentiment d'être maltraitant, parfois c’est justifié. Si il y a effectivement un problème d'absentéisme, on remplace, en ayant formé du personnel spécifiquement à la pédiatrie."

Richard Dalmasso, Directeur Géneral Adjoint du CHRU de Tours

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Surcharge de travail, perte de sens, près d'une infirmière sur deux quitte l'hôpital au bout de dix ans. Il y aurait 60 000 postes vacants, avec, en cascade, la fermeture de 39 000 lits en 10 ans. Une dégradation du système de santé qui impacte même les blocs opératoires.

L'enquête non faite des pertes de chance

Un chirurgien de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière (AP-HP) à Paris affirme travailler en mode dégradé. Une fois sur deux, il prétend opérer avec des infirmières intérimaires qui ,selon lui, n’ont pas toujours les compétences nécessaires.

 

"Il m’est arrivé d’avoir des infirmières qui ne connaissaient pas le nom des instruments. Quand un malade saigne, il ne faut pas qu’il saigne plus que quelques secondes et on ne peut pas se permettre de fouiller pour trouver un instrument."

Julien Gaudric, chirurgien vasculaire à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière (AP-HP)

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Ce chirurgien n'a jamais connu d'incident. Pourtant dans son dernier rapport, la Haute autorité de santé (HAS) révèle que les événements indésirables graves ont augmenté à l'hôpital de 27% en un an. Face à l'absence d'enquête officielle sur ces pertes de chances, un collectif de soignants tire la sonnette d’alarme. Depuis 2 ans, le docteur Salachas constitue une base de données à partir d’incidents précis relayés dans la presse.

"On a l’impression que les autorités de santé publique ne veulent pas faire ce bilan. Parce qu'une fois qu'on a fait le constat, quand on a la responsabilité de protéger les Français, on ne peut pas dire c’est comme ça et qu'on n'y peut rien."

Francois Salachas, neurologue, membre du collectif Inter Hôpitaux

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Lors d'un déplacement à l'hôpital de Dijon, le nouveau premier ministre Gabriel Attal a promis pour l'hôpital public un budget qualifié "d’historique". Il a confirmé une enveloppe de 32 milliards d'euros votée l’an dernier pour le système de santé.

Parmi nos sources :



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