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Grenelle des violences conjugales : trois questions sur la généralisation des dépôts de plainte dans les hôpitaux

C'est l'une des annonces du gouvernement pour lutter contre les violences faites aux femmes : généraliser la possibilité pour les victimes de porter plainte dans les locaux de l'hôpital.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Les urgences de l'hôpital Broussais de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), août 2019. (LOÏCK GUELLEC / RADIO FRANCE)

La généralisation du dépôt de plainte directement à l'hôpital pour les femmes victimes de violences fait partie des mesures annoncées par le gouvernement mardi 3 septembre lors de l'ouverture du Grenelle des violences conjugales. Que va permettre cette mesure ? Comment réagissent le personnel soignant, les policiers ?

Comment la mesure va-t-elle se mettre en place ?

"Quand une femme se rend aux urgences pour coups et blessures, c'est déjà suffisamment pénible. Si elle doit retourner chez elle avant de porter plainte, elle retrouvera son conjoint qui risque de la menacer", a déclaré le Premier ministre. Cette possibilité de porter plainte à l'hôpital sera donc généralisée "à partir du 25 novembre", a affirmé Édouard Philippe, "dans les mois qui viennent", a confirmé à franceinfo mercredi 4 septembre la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.

"On va partir des expériences qui ont déjà été mises en œuvre pour voir comment le déployer partout en France, a-t-elle expliqué, il ne s'agit pas d'augmenter ou surcharger le travail des soignants à l'hôpital, notamment dans les services d'urgence".

On ne doit pas transformer des box d'urgence en commissariat de police. Cela doit être réfléchi et mis en œuvre de façon concertée avec les soignants.

Agnès Buzyn, ministre de la Santé

à franceinfo

Même son de cloche chez le directeur général de la police nationale Eric Morvan : "Il n'est pas question qu'un officier soit présent en permanence dans les établissements hospitaliers." Invité de franceinfo mercredi, le patron de la police a affirmé que l'essentiel sera de "'protocoliser' le dispositif sur l'ensemble du territoire national et de faire en sorte que soient requises les conditions de confidentialité qui permettent le recueil de plainte".

Quels sont les dispositifs qui existent déjà ?

Le dépôt de plainte directement à l'hôpital est déjà possible dans certains endroits. "C'est une procédure qui existe, mais qui est peu généralisée sur le territoire", a assuré sur franceinfo le directeur général de la police nationale. "Les policiers ont la capacité de prendre des plaintes en dehors de leur bureau. Le but de cette annonce est qu'on puisse généraliser ce qui est aujourd'hui un peu exceptionnel."

Ce dispositif n'existe aujourd'hui effectivement que dans certains services d'urgence, où "de très gros hôpitaux, souvent des CHU, ont signé des conventions avec les services de police", a indiqué la ministre de la Santé.

Qu'en pensent les professionnels concernés ?

"Moi je pense que c'est une très bonne idée", a réagi au micro de franceinfo Valérie, infirmière à l'hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Elle travaille au service addictologie et là aussi, elle voit passer très régulièrement des femmes victimes de violences conjugales : "Une sur douze consultations", assure Valérie.

"On leur dit ce qu'il faut faire, on essaie de les diriger, on les encourage à porter plainte. C'est ce qui est le plus difficile, parce qu'il faut aller vers un autre lieu. Le temps de la réflexion, parfois elles ne vont pas jusqu'au bout de la démarche." Mais l'infirmière tique un peu quand on lui demande si la présence de policiers à l'hôpital la dérangerait : "Un peu", concède-t-elle.

Il est pour moi essentiel de conserver une véritable étanchéité entre la médecine et les forces de police.

Frédéric Adnet, chef du service des urgences de l'hôpital Avicennes

à franceinfo

"On ne peut pas transformer les urgences d'un hôpital public en un commissariat", tranche de son côté Frédéric Adnet, chef du service des urgences de l'hôpital Avicennes. Il a été très surpris par les propos du Premier ministre : "On n'a pas du tout été préparés à cette annonce."

Pour ce professionnel, pas question de mélanger les genres : "Nous ne sommes pas des auxiliaires de justice. Mais je ne pense pas qu'on va aller jusqu'à mettre une annexe du commissariat dans les urgences, c'est une fausse bonne idée."

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