Mort d'une infirmière à Reims : "C'est le signe de tous les dysfonctionnements d'une chaîne de prise en charge en France", selon un psychiatre
"On ne peut pas généraliser à partir d'un cas, que je ne connais pas dans le détail. En revanche, on sait très bien que le manque de moyens peut conduire à ce genre de situations", analyse mardi 23 mai sur franceinfo, Antoine Pelissolo, psychiatre chef du service de psychiatrie de l'hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne). À Reims, une infirmière de 38 ans a été tuée après avoir reçu plusieurs coups de couteau par un homme aux antécédents psychiatriques. "C'est un événement dramatique qui reste exceptionnel, mais c'est le signe de tous les dysfonctionnements d'une chaîne de prise en charge en France". Le suspect a indiqué lors de son interpellation en vouloir au milieu hospitalier, selon les informations de franceinfo. Tenant des propos incohérents, il a affirmé avoir été maltraité depuis plusieurs années dans les milieux psychiatriques.
franceinfo : La psychiatrie est le parent pauvre de la médecine en France, selon vous ?
Antoine Pelissolo, psychiatre chef du service de psychiatrie de l'hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne) : je crois que c'est unanime, car les budgets de la psychiatrie ont été oubliés pendant des années. Tout le monde s'en rend compte et constate les conséquences sur tous les niveaux. Ça touche les structures d'hospitalisation les plus complexes. Il y a des patients qui ont besoin lors des moments de crise d'être hospitalisés, ça touche les consultations, l'enfant comme les personnes âgées. Il y a une situation dramatique et tout ce qui a été proposé ces dernières années, va souvent dans le bon sens, mais on est très loin du compte dans ce qui est nécessaire. La santé mentale, c'est 15 à 20 % du secteur de la santé en France, c'est donc un investissement qui doit être très lourd, qui pèse et qui est indispensable. Moins on dépense pour ces besoins-là, plus on le paye à tous les niveaux.
Faut-il faire un lien directement entre le manque de moyens de la psychiatrie et le drame qui s'est produit au CHU de Reims avec la mort de cette infirmière attaquée au couteau par un homme avec des antécédents psychiatriques ?
On ne peut pas généraliser à partir d'un cas, que je ne connais pas dans le détail. En revanche, on sait très bien que le manque de moyens peut conduire à ce genre de situations. C'est ce que nous redoutons tout le temps. Que ce soit le suicide ou la violence sur les personnes, on sait que ça peut arriver. On est attentifs à cela, mais quand on n'est pas assez nombreux, quand on n'a pas les moyens de recevoir les gens suffisamment rapidement, malheureusement, c'est un des risques. C'est un événement dramatique qui reste exceptionnel, mais c'est le signe de tous les dysfonctionnements d'une chaîne de prise en charge en France.
Il y a un manque de personnel, d'établissements et de places en psychiatrie ?
C'est essentiellement un manque de personnel, parce que nous, toutes nos interventions en santé mentale, ce sont avant tout des interventions humaines donc à chaque fois qu'il manque des infirmiers, des médecins, la conséquence, c'est qu'il y a moins de consultations, moins de lits. En région parisienne, en ce moment, on a 15 % des lits qui sont fermés, ce qui veut dire que tous les malades qui ont besoin d'être hospitalisés, soit on les renvoie chez eux, soit ils attendent pendant des jours et des jours aux urgences. C'est une situation qui est devenue assez banale aujourd'hui avec tous les risques de violences notamment dans les urgences qui sont des lieux très exposés comme les services de psychiatrie.
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