Mulhouse : ce que l'on sait de la mort d'une femme pour laquelle le samu ne s'est pas déplacé
Une sexagénaire a été retrouvée morte le 13 juin dernier dans son lit, dix jours après l'appel de son employeur au samu. Le parquet a ouvert une information judiciaire.
Le samu de Mulhouse (Haut-Rhin) a-t-il commis une faute en n'envoyant pas de secours pour une patiente qui se plaignait de douleurs à la poitrine ? La sexagénaire a été retrouvée morte dans son appartement, dix jours plus tard. Le parquet a annoncé, samedi 28 septembre, avoir ouvert une information judiciaire pour "non-assistance à personne en danger". Franceinfo résume ce que l'on sait de cette affaire.
La victime se plaignait de douleurs cardiaques
Lundi 3 juin, Marie-Line Descloix, 60 ans, appelle son agence d'intérim pour prévenir qu'elle ne pourra pas honorer la mission qu'elle comptait lui confier. "Elle se plaignait de douleurs à la cage thoracique, des douleurs intercostales, au cœur et au bras gauche. Elle disait ne pas réussir à respirer correctement", raconte la responsable de l'agence, qui souhaite rester anonyme. Inquiète pour sa salariée, elle décide de contacter le 15. Au médecin régulateur qui est au bout du fil, elle décrit un à un les symptômes.
Aucune ambulance n'est envoyée pour porter assistance à la sexagénaire. Marie-Line Descloix, qui vivait seule, est retrouvée morte dans son appartement de Mulhouse dix jours plus tard par un voisin. L'autopsie confirme qu'elle a succombé à un arrêt cardiaque.
Le samu assure avoir traité correctement le cas
Après les premières révélations de nos confrères des Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA), l'hôpital de Mulhouse apporte des précisions, dimanche 29 septembre. Dans son communiqué, la direction de l'établissement assure que "l'agent de régulation médicale qui a réceptionné cet appel a immédiatement recontacté la patiente puis l'a mise en relation avec le médecin régulateur"."Ce dernier a ensuite pris une décision médicale au regard des éléments échangés au cours de l'entretien avec la patiente", est-il précisé.
Joint par franceinfo, le président de Samu-Urgences de France est sur la même ligne. "L'acte de régulation médicale a été effectué, assure François Braun. Si le médecin régulateur avait eu un doute, il aurait probablement agi différemment."
On ne peut pas emmener toutes les personnes qui se plaignent de douleurs thoraciques à l'hôpital.
François Braun, président de Samu-Urgences de Franceà franceinfo
D'après les éléments en sa possession, la patiente a été en contact direct avec le médecin régulateur "pendant plusieurs minutes". "L'interrogatoire, la discussion s'est conclue sur un accord entre la patiente et le médecin sur les modalités de prise en charge", détaille-t-il, toujours sur franceinfo.
L'Agence régionale de santé (ARS), qui a ouvert une enquête administrative au cours de l'été, doit publier prochainement ses conclusions dans un rapport qui est "en cours de finalisation". "Ce qui est sûr, c'est que la régulation a fonctionné normalement", a déjà déclaré Virginie Cayré, directrice générale déléguée de l'ARS pour l'est de la région Grand Est.
Une enquête a été ouverte
Pour savoir s'il y a eu faute ou négligence, le parquet de Mulhouse a ouvert une information judiciaire, le 20 septembre, pour "non-assistance à personne en danger par personne morale", contre le groupement hospitalier régional Mulhouse-Sud-Alsace (GHRMSA), et pour "non-assistance à personne en danger contre X", en l'occurrence le médecin régulateur du 15 qui avait pris en charge l'appel.
"Les enquêteurs de la brigade criminelle de la sûreté départementale ont entendu les intervenants au samu 68, récupéré les bandes enregistrées des conversations téléphoniques et entendu la directrice de l'agence intérimaire qui avait pris l'initiative de composer le 15 pour alerter sur l'état de santé inquiétant de son intérimaire", listent les DNA. Ce sont ces éléments qui ont conduit le magistrat du parquet à ouvrir une information judiciaire.
Le samu de Mulhouse déjà pointé du doigt
Ils n'ont "tiré aucune leçon de ce qui m'est arrivé." Sur l'antenne de France Bleu Alsace, Christophe Musslin se dit "révolté" par cette affaire. Invité à réagir après l'ouverture de cette information judiciaire, l'Alsacien a rappelé qu'il avait lui-même déjà porté plainte contre le samu du Haut-Rhin en mai 2016. A l'époque, il venait d'échapper de peu à la mort après avoir appelé par deux fois le samu pour des douleurs à la poitrine, sans qu'une ambulance ne lui soit envoyée. Au téléphone, le médecin lui avait conseillé de prendre du paracétamol. Il avait alors pris sa voiture et s'était rendu dans la clinique du Diaconat de Mulhouse, où il avait été opéré d'un infarctus du myocarde. Il en garde de graves séquelles.
Sa plainte est "restée ignorée", dit-il, désabusé. "Parce qu'aujourd'hui, nous n'avons aucune nouvelle de l'affaire. On nous dit simplement que l'affaire est en cours, mais on ne nous apporte aucun élément de réponse. Il faut faire quelque chose. Ce n'est pas normal qu'aujourd'hui, après des appels à des samu dans des situations aussi préoccupantes, rien ne soit fait et que des gens décèdent."
Ma démarche n'a servi à rien.
Christophe Musslinsur France Bleu Alsace
Fin 2017, c'est le samu de Strasbourg, à une centaine de kilomètres, qui avait fait les gros titres : Naomi Musenga, une mère de famille de 22 ans, était morte aux urgences de l'hôpital, après avoir été raillée au téléphone par une opératrice du samu. Le contenu de l'appel, qui avait fini par être diffusé, avait provoqué un tollé médiatique. Deux enquêtes, judiciaire et administrative, avaient alors été ouvertes. Mais pour le patron de Samu-Urgences de France, "l'affaire de Mulhouse n'a rien à voir avec ce qui s'est passé à Strasbourg", il y a bientôt deux ans. Il rappelle en outre "les difficultés en personnel, surtout actuel, aux urgences de Mulhouse, qui sont dans une situation extrêmement critique", ajoute François Braun. Les urgences de l'hôpital sont en effet en grève depuis des mois, comme des centaines d'autres services d'urgence en France.
On arrive à faire tourner le service en travaillant avec d'autres urgentistes de la région qui viennent aider Mulhouse, également en travaillant avec les médecins de l'hôpital qui viennent aider les urgences.
François Braun, président de Samu-Urgences de Franceà franceinfo
En clair, "même s'il y a des difficultés de personnel, si le médecin juge qu'il faut envoyer une équipe, on envoie une équipe. Tout est fait pour garder un accueil et une prise en charge de qualité au niveau des urgences de Mulhouse."
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