Alzheimer : la décision de l'Agence européenne des médicaments d'approuver un traitement attendu est "porteuse d'espoir", pour le professeur Philippe Amouyel
La décision de l'Agence européenne des médicaments (EMA) d'approuver jeudi 14 novembre pour certains patients un traitement très attendu destiné à réduire le déclin cognitif des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer, est une "décision porteuse d'espoir à plusieurs titres", pour Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille et directeur de la Fondation Plan Alzheimer.
"On a enfin un médicament qui agit sur des lésions de la maladie d'Alzheimer", se réjouit le spécialiste des maladies du vieillissement jeudi soir sur franceinfo. Ce médicament s'adresse à des personnes "qui en sont à des stades très précoces de la maladie". Philippe Amouyel ajoute que ce médicament appelé "Leqembi" est désormais recommandé par l'EMA après avoir été initialement bloqué en juillet. "Il a été autorisé il y a presqu'un an aux États-Unis, en Chine, au Japon, rappelle-t-il. Le Royaume-Uni l'a autorisé mais ne le rembourse pas encore et l'Europe, pour l'instant, était en rejet et là ça change avec cette nouvelle acceptation."
"Des effets indésirables dans environ 30% des cas"
L'essai clinique pour ce médicament a duré 18 mois : "On estime que lorsque les patients rentrent dans ces traitements, il leur faudra quatre à cinq ans avant qu'ils ne deviennent dépendants. Il faudrait qu'on puisse les suivre suffisamment longtemps pour savoir si le bénéfice qu'on a observé pendant les 18 mois se maintient, voire s'améliore", explique le professeur. Selon lui, les cas aux Etats-Unis, en Chine, au Japon "ont permis de commencer à avoir du recul par rapport à l'impact dans le temps de ce médicament".
Du recul y compris en ce qui concerne les effets indésirables, le spécialiste affirme que ces effets sont très surveillés : "Quand on regarde l'effet clinique et les effets indésirables, on s'aperçoit qu'il y a des variations sur les personnes qui l'utilisent, suivant le stade [de la maladie] et c'est ce qui a amené l'Agence européenne du médicament, dans un premier temps, à le refuser en juillet." "Bien sûr qu'il y a des risques", explique Philippe Amouyel qui rappelle que "tout médicament actif a des effets indésirables par nature". Dans ce cas, il s'agit "de petites hémorragies dans le cerveau et des gonflements du cerveau". Plus précisément, "dans environ 30% des cas, il y a des effets indésirables, dont 5% à 9% sont relativement graves et nécessitent l'arrêt du traitement".
Pour le professeur, la question concerne surtout la balance bénéfice-risque. Le tout est "de savoir si on peut prendre le risque de tels effets indésirables et si on a un bénéfice en face qui est suffisant". Au départ, "la première estimation était plutôt en défaveur du bénéfice", puis "il y a eu un réexamen avec plus d'informations et finalement l'Agence a décidé de donner un avis favorable". Comme tous les patients ne réagissent pas de la même façon face aux effets indésirables, "l'indication est limitée à des patients dont on sait que le risque sera inférieur et que le bénéfice surpassera le risque [...] d'où l'autorisation."
"On progresse tous les jours"
Plus largement, Philippe Amouyel rappelle que "les laboratoires pharmaceutiques qui fabriquent ces médicaments n'avaient pas vraiment de résultats depuis environ 20 ans". Avec ces avancées, "un nouvel engouement intervient et donc on réinjecte de l'intérêt dans la recherche et de l'argent pour justement trouver ces nouveaux médicaments et accélérer leur découverte". Quant à savoir quand ce médicament sera disponible, il faut encore attendre un peu : "Il doit encore passer devant la Commission européenne pour un avis favorable européen, puis il y aura un examen dans chaque agence dans chaque pays qui veut le mettre sur le marché avec ensuite une discussion du prix. On devrait raisonnablement l'avoir dans quelques mois."
"On progresse sur la compréhension de cette maladie tous les jours", affirme le spécialiste : "On évolue vers une maladie qui va devenir comme les maladies chroniques, comme l'hypertension artérielle, avec des mesures de prévention. On sait aujourd'hui que la prévention est efficace", conclut-il.
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